Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne sont qu’à lui[1] ; et je le supplie au moins de vouloir bien regarder cette déclaration comme mon codicille.

En attendant que je le fasse mon exécuteur testamentaire, je dois, pendant que je suis encore en vie, certifier que des volumes entiers de lettres imprimées sous mon nom[2], où il n’y a pas le sens commun, ne sont pourtant pas de moi.

Je saisis cette occasion pour apprendre à cinq ou six lecteurs, qui ne s’en soucient guère, que l’article Messie[3] imprimé dans le grand Dictionnaire encyclopédique, et dans plusieurs autres recueils, n’est pas mon ouvrage, mais celui de M. Polier de Bottens, qui jouit d’une dignité ecclésiastique dans une ville célèbre[4], et dont la piété, la science et l’éloquence, sont assez connues. On m’a envoyé depuis peu son manuscrit, qui est tout entier de sa main.

Il est bon d’observer que, lorsqu’on croyait cet ouvrage d’un laïque, plusieurs confrères de l’auteur le condamnèrent avec emportement ; mais quand ils surent qu’il était d’un homme de leur robe, ils l’admirèrent. C’est ainsi qu’on juge assez souvent, et on ne se corrigera pas.

Comme les vieillards aiment à conter, et même à répéter, je vous ramentevrai qu’un jour les beaux esprits du royaume (et c’étaient le prince de Vendôme, le chevalier de Bouillon, l’abbé de Chaulieu, l’abbé de Bussy, qui avait plus d’esprit que son père, et plusieurs élèves de Bachaumont, de Chapelle, et de la célèbre Ninon) disaient à souper tout le mal possible de Lamotte-Houdard. Les fables de Lamotte venaient de paraître : on les traitait avec le plus grand mépris ; on assurait qu’il lui était impossible d’approcher des plus médiocres fables de La Fontaine. Je leur parlai d’une nouvelle édition de ce même La Fontaine, et de plusieurs fables de cet auteur qu’on avait retrouvées. Je leur en récitai une ; ils furent en extase ; ils se récriaient. « Jamais Lamotte n’aura ce style, disaient-ils ; quelle finesse et quelle grâce ! on reconnaît La Fontaine à chaque mot. » La fable était de Lamotte[5].


  1. Voyez tome XX, page 200.
  2. Les deux volumes publiés en 1765 et 1766, par Robinet ; voyez tome XXV, page 579.
  3. Voyez tome XX, page 62.
  4. Lausanne.
  5. Voltaire oublie ici de conter que les convives du prince de Vendôme s’étant fait répéter la fable, la trouvèrent détestable. Pareil tour fut joué à Voltaire en 1765, à Ferney. La Harpe lui ayant récité la plus belle strophe de l’ode sur la