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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/196

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CORRESPONDANCE.

8016. — DE FRÉDÉRIC,
landgrave de hesse.
Weissenstein, le 6 octobre.

Monsieur, j’ai reçu par Mme Gallatin votre lettre[1] ; elle m’a fait un plaisir inexprimable par l’amitié dont vous voulez bien m’assurer, et dont je fais tout le cas possible. Je vous prie de me la conserver, et d’être persuadé que personne ne vous chérit et ne vous admire plus que moi. Quel charme si je pouvais espérer de vous revoir bientôt ! Je ferai tout mon possible pour cela, l’amitié étant pour moi la plus grande consolation de la vie. La révolution de Suède a été faite avec beaucoup de prudence et de fermeté. Il faudra voir comment les puissances voisines la prendront.

Adieu, mon cher ami ; aimez-moi toujours, vivez encore longtemps, écrivez-moi aussi souvent que vous le pourrez, sans que cela vous incommode, et soyez persuadé de la sincère amitié avec laquelle je serai toujours, monsieur, votre, etc.

Frédéric.
8647. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[2].
paris, 12 octobre.

Jamais lettre n’est arrivée si à propos que votre dernière. J’étais dans la plus grande inquiétude ; le bruit courait ici que vous étiez extrêmement malade. Cette inquiétude avait succédé à une autre ; n’ayant plus de vos nouvelles, je craignais que ma dernière lettre ne vous eut fâché. Mais tout va bien, Dieu merci ; votre santé, votre amitié, deux choses très-nécessaires à ma tranquillité et à mon bonheur.

Je ne sais pas, mon cher Voltaire, de quel œil vous envisagez la mort ; je m’en détourne la vue autant qu’il m’est possible ; j’en ferais de même pour la vie, si cela se pouvait. Je ne sais en vérité pas laquelle des deux mérite la préférence ; je crains l’une, je hais l’autre. Ah ! si on avait un véritable ami, on ne serait pas dans cette indécision ; mais c’est la pierre philosophale ; on se ruine dans cette recherche au lieu de remèdes universels, on ne trouve que des poisons. Vous êtes mille et mille fois plus heureux que moi. Mon état de quinze-vingt n’est pas mon plus grand malheur : je me console de ne rien voir, mais je m’afflige de ce que j’entends et de ce que je n’entends pas. Le goût est perdu ainsi que le bon sens. Ceci paraîtra propos de vieille ; mais non, en vérité, mon âme n’a point vieilli. Je suis touchée du bon et de l’agréable autant et plus que je l’étais dans ma jeunesse ; cela est vrai. Ne me répétez donc plus que vous ne savez pas si tels et tels de vos ouvrages me feront plaisir ; je vous ai dit mille et mille

  1. Cette lettre manque.
  2. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.