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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/262

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CORRESPONDANCE.

la belle demoiselle qu’on suppose avoir eu tant de bontés pour moi.

Il me semble que le goût de ma chère nation est un peu changé ; et, si vous me permettez de vous le dire, je crois qu’elle n’est pas plus digne d’entendre Sylla, Pompée et César, que je ne suis digne de les faire parler. Cependant, s’il me venait quelque idée heureuse, je l’emploierais bien vite pour vous faire ma cour ; mais les idées viennent comme elles veulent. Ma plus chère idée serait de ne pas mourir sans avoir la consolation de vous revoir encore. Je ne suis le maître ni de chasser cette idée ni de l’exécuter. Je suis bien sûr seulement que ma destinée est de vous être attaché jusqu’à la mort avec le plus tendre respect.

Le Vieux Malade de Ferney, à qui l’on fait trop d’honneur.

8714. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Ferney, 22 décembre.

Sire, en recevant votre jolie lettre et vos jolis vers, du 6 décembre, en voici que je reçois de Thieriot, votre feu nouvelliste, qui ne sont pas si agréables :


C’en est fait, mon rôle est rempli,
Je n’écrirai plus de nouvelles ;
Le pays du fleuve d’oubli
N’est pas pays de bagatelles.
Les morts ne me fournissent rien,
Soit pour les vers, soit pour la prose ;
Ils sont d’un fort sec entretien,
Et font toujours la même chose.
Cependant ils savent fort bien
De Frédéric toute l’histoire,
Et que ce héros prussien
À dans le temple de Mémoire
Toutes les espèces de gloire,
Excepté celle de chrétien.
De sa très-éclatante vie
Ils savent tous les plus beaux traits,
Et surtout ceux de son génie ;
Mais ils ne m’en parlent jamais.

Salomon eut raison de dire
Que Dieu fait en vain ses efforts