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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/29

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ANNÉE 1772.

Il me paraît que tous les honnêtes gens ont été d’autant plus sensibles à la perte d’Helvétius que les marauds d’ex-jésuites et les marauds d’ex-convulsionnaires ont toujours aboyé contre lui jusqu’au dernier moment. Je n’aimais point son livre, mais j’aimais sa personne.

Vous avez grande raison, monsieur, de dire qu’on a souvent exagéré la méchanceté de la nature humaine ; mais il est bon de faire des caricatures des méchantes gens, et de leur présenter des miroirs qui les enlaidissent : quand cela ne servirait qu’à en corriger un ou deux sur vingt mille, ce serait toujours un bien.

Quant aux barbares qui veulent des tragédies en prose, ils en méritent. Qu’on leur en donne, à ces pauvres Welches, comme on donne des chardons aux ânes.

Pour les autres Welches qui se passionnent pour ou contre les parlements, cela passera comme le jansénisme et le molinisme ; mais ce qui ne passera qu’après ma mort, c’est mon tendre et sincère attachement pour vous, monsieur, qui méritez autant d’amitié que d’estime.

8471. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Ferney, le 1er février.

Sire, mon cœur, quoique bien vieux, est tout aussi sensible à vos bontés que s’il était jeune. Vos troisième et quatrième chants[1] m’ont presque guéri d’une maladie assez sérieuse ; vos vers ne le sont pas. Je m’étonne toujours que vous ayez pu faire quelque chose d’aussi gai sur un sujet si triste. Ce que Votre Majesté dit des confédérés dans sa lettre[2] inspire l’indignation contre eux autant que vos vers inspirent de gaieté. Je me flatte que tout ceci finira heureusement pour le roi de Pologne et pour Votre Majesté. Quand vous n’auriez que six villes pour vos six chants, vous n’auriez pas perdu votre papier et votre encre.

La reine de Suède ne gagnera rien aux dissensions polonaises ; mais elle augmentera le bonheur de son frère et le sien. Permettez que je la remercie des bontés dont vous m’apprenez qu’elle daigne m’honorer, et que je mette mes respects pour elle dans votre paquet.

La veuve du pauvre cher Isaac[3] m’a fait part des bontés dont

  1. De la Pologniade ; voyez lettre 8409.
  2. No 8457.
  3. Le marquis d’Argens.