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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/374

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CORRESPONDANCE.

Je vous remercie de demeurer dans une impasse, mais je ne vous pardonne pas d’écrire français par un o.

Je vous embrasse bien tendrement.

8829. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
À Ferney, 28 avril.

Il y a près de trois mois, monsieur, que mon triste état ne m’a permis que d’écrire deux ou trois lettres à Paris, et c’était pour des affaires pressantes.

Quarante-huit caractères font vingt-quatre syllabes, à deux lettres par syllabe ; et douze syllabes forment un vers alexandrin ; en ce cas il faut deux vers ; mais il y a nécessairement des syllabes qui ont trois ou quatre lettres ; ainsi la chose devient impossible.

Pour exprimer une pensée bonne ou mauvaise, il faut deux vers ou quatre ; c’est ce qui rend notre langue très-peu susceptible du style lapidaire, qui demande une extrême précision : nos articles, nos verbes auxiliaires, joints à la gêne de nos rimes, font un effet souvent ridicule dans les inscriptions. Un vers latin dit plus que quatre vers français ; j’oserais proposer celui-ci, en attendant qu’on en fasse un meilleur :


Arte manus regitur, genius prælucet utrique.


« L’art conduit la main, le génie les éclaire tous deux. » Voilà toute la chirurgie exprimée en peu de mots.

Si on voulait absolument une inscription en français, on pourrait mettre :


D’où partent ces soins bienfaisants ?
Ils sont d’un monarque et d’un père :
Il veille sur tous ses enfants,
Il les soulage et les éclaire.


Mais voilà quatre-vingt-une lettres au lieu de quarante-huit. Il faudrait donc rendre les caractères de moitié plus petits, et alors l’inscription serait peut-être inlisible. Je trouverais cette inscription française assez passable ; mais vous voyez que c’est une rude tâche de faire des vers à tant le pied, à tant le pouce.

Le pauvre malade vous est très-tendrement et très-inutilement attaché à vous et à Mme Dixneufans.