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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/386

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CORRESPONDANCE.

Faites-moi l’amitié, mon cher ange, de me mander comment madame d’Argental se porte ; je m’imagine que le climat de Paris est meilleur que celui de Genève. Le malheur en a voulu à notre colonie : nous avons eu des malades, des morts, des ruinés et des déserteurs ; mais tout cela arrive dans toute colonie.

Nous serions absolument anéantis par vos cours des monnaies, votre marc d’or et vos autres lois de Minos, si nous n’avions pas été un peu soutenus par le pays étranger. Cette situation équivoque ne peut pas durer. J’ai bien peur qu’avant ma mort toute cette machine, que j’ai construite avec tant de soin et de dépense, ne soit entièrement détruite. J’ai tout fondé à Ferney : mais ce sera le château d’Armide. Tout est illusion, excepté de vous aimer et de vivre avec vous.

8842. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[1].
Ferney, 15 mai.

Je ne cesse, monseigneur, de vous importuner. Il ne faut pas excéder son héros ; mais vous avez eu la bonté de promettre votre protection à ma colonie pour la faire payer de ce qu’elle a fourni au roi, il y a environ trois ans ; un mot suffirait pour obtenir ce payement du trésorier des Menus.

Vous avez bien voulu aussi flatter nos artistes de l’espérance de travailler pour vous. Ils demandent vos ordres : vous pouvez être sûr que vous serez content de leurs ouvrages.

Quant à Pandore, je n’ose renouveler mes supplications. Je suis toujours prêt, mort ou vif, à venir au rendez-vous que vous avez bien voulu me donner. Si j’arrive en vie, j’arriverai sourd et aveugle, boiteux, impotent, pouvant à peine parler ; mais tout cela n’y fait rien ; j’aurai le bonheur de vous entrevoir, d’entendre une partie de ce que vous me direz, de vous renouveler mon hommage et mon tendre respect.

8843. — DE M. LE MARQUIS DE CONDORCET[2]
Paris, ce 16 mai 1773.

Je vous dois bien des remerciements, mon illustre maître, d’abord pour m’avoir procuré l’avantage de connaître M. l’abbé Mignot, qui m’a témoigné

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Œuvres de Condorcet, tome 1 ; Paris, 1847.