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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/402

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CORRESPONDANCE.

Je n’aime point du tout Ovide De Ponto[1], mais j’estime assez Chéreas[2]. J’estime encore plus ceux qui daignent instruire les hommes et leur plaire ; c’est votre lot. Celui de Raton est d’aimer Bertrand de tout son cœur.

8862. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 4 juin.

En vérité, monseigneur, je ne sais si je dois pleurer ou rire de ce que vous me mandez dans votre lettre du 28 de mai ; mais, quand un comédien fait une tracasserie à M. le maréchal de Richelieu, il faut rire ; et c’est sans doute ce que vous avez fait.

J’admire seulement votre bonté de daigner m’écrire, lorsque les autres tracasseries de Bordeaux pour du pain, qui ont été, dit-on, suivies d’une sédition meurtrière, attiraient toute votre attention. Si cet orage est passé, permettez-moi de vous parler d’abord d’une chose qui m’intéresse beaucoup plus que tous les spectacles de Fontainebleau et de Versailles : c’est du petit voyage dont vous m’aviez flatté. L’état cruel où je suis ne m’aurait certainement pas empêché d’être à vos ordres ; il n’y a que la mort qui eût pu me retenir à Ferney ; mais je vois que tout est rompu, et c’est là ce qui me fait pleurer. J’avais tout arrangé pour cette petite course ; il ne m’appartient pas d’avoir une dormeuse, mais j’avais une voiture que j’appelais une commode. Il faut s’attendre aux contre-temps jusqu’au dernier moment de sa vie.

Quant à l’article des spectacles, mon héros est engagé d’honneur à protéger mon histrionage. J’ignore quel est le goût de la cour, j’ignore l’esprit du temps présent ; mais je compterai toujours sur votre indulgence pour moi, et sur votre protection nécessaire à ma jeunesse.

Je vous ai supplié, et je vous supplie encore, d’honorer d’une place dans votre liste le roi de Suède, sous le nom de Teucer, malgré toutes les différences qui se trouvent entre ces deux personnages.

Je vous demande votre protection pour Mairet, qui est mort il y a environ six-vingts ans, et qui était protégé par votre grand-oncle : il ne tient qu’à vous de le ressusciter. Minos et Sophonishe

  1. C’est le titre d’un ouvrage d’Ovide ; il est en quatre livres.
  2. Centurion qui tua Caligula.