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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/411

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année 1772.

la hauteur de l’architecte. Mais pour nos vénérables montagnes, seules dignes de ce nom, d’où partent le Rhin, le Danube, le Rhône, le Pô, ces énormes masses paraissent avoir plus de consistance que Monte-Nuovo, et que la prétendue nouvelle île de Santorin. La grande chaîne des hautes montagnes qui couronnent la terre en tous sens m’a toujours paru aussi ancienne que le monde : ce sont les os de ce grand animal ; il mourrait de soif s’il n’y avait pas de fleuves, et il n’y aurait aucun fleuve sans ces montagnes, qui en sont les réservoirs perpétuels. On se moquera bien un jour de nous quand on saura que nous avons eu des charlatans qui ont voulu nous faire croire que les courants des mers avaient formé les Alpes, le mont Taurus, les Pyrénées, les Cordillères.

Tout Paris, en dernier lieu, était en alarme : il s’était persuadé qu’une comète viendrait dissoudre notre globe le 20 ou le 21 de mai[1]. Dans cette attente de la fin du monde, on manda que les dames de la cour et les dames de la halle allaient à confesse : ce qui est, comme vous savez, un secret infaillible pour détourner les comètes de leur chemin. Des gens, qui n’étaient pas astronomes[2], prédirent autrefois la fin du monde pour la génération où ils vivaient. Est-ce par pitié ou par colère que cette catastrophe a été différée ?


To be, or not to be ; that is the question [3], etc.

8869. — À M. LE PRINCE DE GALLITZIN,
ambassadeur a la haye.
À Ferney, 19 juin.

Monsieur le prince, vous rendez un grand service à la raison en faisant réimprimer le livre de feu M. Helvétius[4]. Ce livre trouvera des contradicteurs, et même parmi les philosophes. Personne ne conviendra que tous les esprits soient également propres aux sciences, et ne diffèrent que par l’éducation. Rien n’est plus faux, rien n’est plus démontré faux par l’expérience. Les âmes sensibles seront toujours fâchées de ce qu’il dit de

  1. Voyez tome XXIX, page 47.
  2. Saint Paul et saint Luc ; voyez tome XIX, page 143.
  3. Voltaire a donné de ce morceau de Shakespeare une imitation en vers
    (voyez tome XXII, page 150) et une traduction littérale (voyez tome XXII. page 151).
  4. Voyez page 399.