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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/509

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Après ces deux requêtes, je vous en présente une troisième bien plus importante : c’est de me mander comment se porte Mme d’Argental.

Souvenez-vous, mon cher ange, du vieux malade de Ferney, qui n’est pas encore tout à fait mort.

8974. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
Paris, … novembre.

Voilà donc les diamants brillants de la petite brochure de quatorze cents pages d’Helvetius ! Il y en a encore mille autres, dites-vous ; mais, mon cher Voltaire, ne reconnaissez-vous pas ces beaux diamants pour des cailloux de vos jardins ? Il n’y a point d’auteur qui ne s’en soit enrichi. J’admire votre patience de lire les ouvrages les plus ennuyeux du monde.

Je ne suis point contente de votre laconisme sur l’Éloge de Colbert ; j’attendais quelques détails : l’ouvrage, il me semble, en vaut la peine. Vous ne me parlez point avec confiance. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la pièce du Connétable[2] : je sais qu’on vous l’a lue ; mais vous ne me le direz pas. D’où viennent ces réserves ? Est-ce par méfiance ? est-ce par mépris ? Je vous garderai le secret, et je ne suis pas tout à fait indigne d’être éclairée ; malgré vos réticences, je suis charmée de votre dernière lettre c’est une des plus agréables que vous m’ayez jamais écrites.

Je suis bien de votre avis : Pour dire d’excellentes choses, il faut laisser courir son imagination, cette folle du logis a presque toujours de beaux éclairs ; mais ne loge pas qui veut cette folle.

Je croirais que M. de Lisle a raison ; tout ce que vous écrivez confirme ses dépositions. Si votre corps est malade, votre esprit est bien sain. Malgré le peu d’années que j’ai de moins que vous, j’ai bien l’espérance que vous me survivrez et que vous me dédommagerez du plaisir que j’aurais à vous revoir, en m’écrivant souvent, et en laissant la folle de votre logis courir à bride abattue.

8975. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
16 novembre.

Vous voulez absolument, madame, que je vous dise si je suis content d’un ouvrage[3] où il y a autant de mauvais que de bon, autant de phrases obscures que de claires, autant de mots im-

  1. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.
  2. Le connétable de Bourbon, tragédie du comte de Guibert.
  3. L’Éloge de Colbert, par Necker.