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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/540

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Ennii. Bernard de Fontenelle en tirait quelquefois du clinquant. Vous nourrissez et vous embellissez la sécheresse du sujet par une morale noble et profonde qui doit faire une grande impression, qui ne corrigera ni Fréron, ni Clément, ni Sabatier, mais qui enchantera tous les honnêtes gens.

Ce qui m’étonne, c’est que Fontaine aimât Racine. C’est le plus bel éloge qu’on ait jamais donné à ce grand poëte. J’ai connu dans mon enfance un chimiste nommé La Ligerie ; c’est de lui que nous vient la poudre des Chartreux. On le mena un jour à Phèdre il se mit à rire à la première scène, et s’en alla à la deuxième. L’aventure de Fontaine et de son avocat me parait beaucoup plus plaisante. Si vous avez besoin de votre copie, monsieur, je vous la renverrai en vous demandant la permission d’en faire une pour moi, qui ne sortira pas de mes mains.

Je ne sais si vous avez fait de nouvelles découvertes en mathématiques ; j’ignore même si on peut en faire de grandes ; mais il me semble que vous en faites dans le cœur humain, ce qui me paraît tout aussi difficile.

Le mauvais plaisant de Grenoble, qui s’était un peu égayé sur les comètes, est bien obligé au grand philosophe, quel qu’il soit, d’avoir daigné prendre le parti de ses oreilles contre d’autres oreilles. Continuez, monsieur, à protéger la raison, qui est toujours persécutée en plus d’un genre. Le petit troupeau des gens qui pensent n’en peut plus ; vous savez qu’il y a des gens puissants qui ressemblent au docteur Balouard. Ce docteur ne voulut jamais d’autre valet que le balourd Arlequin, parce qu’il s’imaginait qu’Arlequin ne pourrait jamais découvrir ses turpitudes, et il se trompa : des gens d’esprit l’auraient beaucoup mieux servi qu’un sot. Puissiez-vous, avec d’Alembert, détromper le docteur Balouard ! Peut-être à vous deux formerez-vous un nouveau siècle. Je quitterai bientôt le mien en vous regrettant tous deux, et en emportant dans le néant ma très-respectueuse amitié pour vous. V.

9011. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
24 décembre.

Quoique je n’aie rien d’intéressant à vous dire, madame ; quoique je n’aie aucune nouvelle à vous mander ni de la Suisse, ni de Genève, ni de l’Allemagne ; quoiqu’on m’écrive que vous vous divertissez, que vous donnez à souper la moitié de la se-