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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/569

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9045. — À UN ACADÉMICIEN DE SES AMIS.

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Si on ne veut point croire dans Paris que le jeune comte de Schouvalow, chambellan de l’impératrice de Russie, et président d’un bureau de la législation, soit l’auteur de l’Épître à Ninon[1], c’est apparemment par modestie, car cette épître est peut-être ce qui fait le plus d’honneur à notre nation. C’est une chose bien surprenante que, n’ayant été, je crois, que trois mois à Paris, il ait pris si bien ce que vous appelez le ton de la bonne compagnie, qu’il l’ait perfectionné, qu’il y ait ajouté l’élégance et la correction, si inconnues à quelques seigneurs français qui n’ont pas daigné apprendre l’orthographe.

M. de Schouvalow faisait déjà de très-jolis vers français quand il était chez moi, il y a quelques années[2], et nous avons eu depuis, dans des recueils, quelques pièces fugitives de lui, très-bien travaillées.

Il se trompe en disant que Chapelle


À côté de Ninon fredonnait un refrain.


Chapelle, qu’on a beaucoup trop loué, était bien loin de fredonner des chansons à côté de Ninon. Cet ivrogne, qui eut quelques saillies agréables, était son mortel ennemi, et fit contre elle des chansons assez grossières. En voici une :


Il ne faut pas qu’on s’étonne[3]
Si parfois elle raisonne
De la sublime vertu
Dont Platon fut revêtu :
Car, à bien compter son age,
Elle doit avoir… vécu
Avec ce grand personnage.


Ce n’est pas là le style de M. le comte de Schovalo. J’écris son nom comme nous le prononçons : car je ne saurais me faire aux doubles W, pour lesquels j’ai toujours eu la plus grande aversion, ainsi que pour le mot françois.

  1. Voyez lettre 8955.
  2. En 1767 ; voyez tome XLV, page 387.
  3. Voltaire a déjà cité cette épigramme dans un autre morceau sur Ninon, qui
    est de 1751 ; voyez tome XXIII, page 511.