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CORRESPONDANCE.

ture a des suites assez désagréables, et je n’ai de secours que dans la patience.

Ma dignité de commissaire départi se trouve apparemment dans le même roman que mon indigestion. Il est triste d’être à la fois apoplectique et ridicule.

Je croyais, quand je vous ai parlé de Menzicof, qu’on le jouât déjà à la Comédie française. Je n’ai point osé importuner M. le duc de Duras en faveur de Cicéron et de Catilina ; j’ai cru qu’il n’était pas trop séant, dant l’état où je suis, de disputer une place dans le tripot comique ; cependant, si vous jugez que la chose soit convenable, je vous obéirai selon ma coutume. Je crains seulement que cette démarche ne soit hasardée pendant les représentations du prince-pâtissier.

J’ai à vous parler d’une autre nouvelle qui est assez intéressante selon ma façon de penser : c’est de la persécution que l’on suscite à l’abbé Raynal. On dit qu’il a été obligé de disparaître. Heureusement son livre ne disparaîtra pas. Est-il vrai qu’on en veut à ce livre et à la personne de l’auteur ? Les jansénistes et les pharisiens se sont réunis, et fuerunt amici ex illa hora[1]. Il n’y aura donc plus moyen chez les Welches de penser honnêtement, sans être exposé à la fureur des barbares ! Cette idée me trouble jusque dans la paix de ma retraite, et aux portes de la paix éternelle, où je vais bientôt entrer. Je me flatte qu’au moins l’abbé Raynal trouvera des amis. Dieu veuille qu’on ne soit pas forcé à lui chercher des vengeurs, qu’on ne trouverait pas !

Adieu, mon cher ange ; aimez toujours un peu celui qui est à vous depuis environ soixante-dix ans.


9546. — À M. FABRY.
26 novembre.

Je n’ai encore, monsieur, aucune réponse du ministère, ni sur la pleine consommation de ses projets, ni de ses promesses, ni sur l’exorbitante indemnité prétendue par des personnes qui n’ont aucun besoin d’indemnité.

Cependant le temps approche où il faudra finir cette affaire, si importante au pays.

C’est à vous à voir si vous voulez qu’on propose à messieurs du mandement d’entrer dans nos frais, ou de payera un bureau

  1. Il y a dans Saint Luc, chapitre xxiii, verset 12 : « Facti sunt amici ex ipsa die.