Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/109

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ACTE I, SCÈNE III. 99

Jo ronds grâce au dostiii, dont la rij^iiour iitilo J)e mon second époux rendit Jliynien stérile, Et qui n’a pas formé, dans ce funeste flanc, In sang que j’aurais vu l’ennemi de mon sang. Peut-être que je touche aux bornes de ma vie ; Et les chagrins secrets dont je fus poursuivie, Dont toujours à vos yeux j’ai dérohé le cours, Pourront précipiter le terme de mes jours. Mes filles devant moi ne sont point étrangères ; ^lême en dépit d’Égisthe elles m’ont été chères : Je n’ai point étouffé mes premiers sentiments. Et, malgré la fureur de ses emportements, Electre, dont l’enfance a consolé sa mère Du sort d’Iphigénie et des rigueurs d’un père, Electre, qui m’outrage, et qui hrave mes lois, Dans le fond de mon cœur n’a point perdu ses droits.

ELECTRE.

Oui ? vous, madame, ô ciel ! vous m’aimeriez encore ? Quoi ! vous n’oubliez point ce sang qu’on déshonore ? Ah ! si vous conservez des sentiments si chers, Observez cette tombe, et regardez mes fers.

CLYTEMNESTRE.

Vous me faites frémir ; votre esprit inflexible Se plaît à m’accabler d’un souvenir horrible ; Vous portez le poignard dans ce cœur agité ; Vous frappez une mère, et je l’ai mérité.

ÉLECTIiE.

Eh bien ! vous désarmez une 1111e éperdue. La nature en mon cœur est toujours entendue. Ma mère, s’il le faut, je condamne à vos pieds Ces reproches sanglants trop longtemps essuyés. Aux fers de mon tyran par vous-même livrée, D’Égisthe dans mon cœur je vous ai séparée ^ Ce sang que je vous dois ne saurait se trahir : J’ai pleuré sur ma mère, et n’ai pu sous haïr. Ah ! si le ciel enfin vous parle et vous éclaire. S’il vous donne en secret un remords salutaire,

I. On lit dans VÈlectre de Crébillon, acte Ier, scène vi ;

Ah ! je ne vous hais pas, et malgré ma misère, Malgré les pleurs cncor dont j’arrose ces lieux, Ce n’cgt que du tyran que je me plains aux dieux.