Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/126

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446 ORESÏE.

ELECTRE,

D’un songe flatteur Ne me présentez pas la dangereuse erreur. Oreste ! poursuivez ; je succombe à l’atteinte Des mouvements confus d’espérance et de crainte.

IPHISE.

Ma sœur, deux inconnus, qu’à travers mille morts La main d’un dieu, sans doute, a jetés sur ces bords, Recueillis par les soins du fidèle Pammène… L’un des deux…

ELECTRE.

Je me meurs, et me soutiens à peine. . L’un des deux ?…

IPHISE.

Je l’ai vu ; quel feu brille en ses yeux ! Il avait l’air, le port, le front, des demi-dieux, Tel qu’on peint le béros qui triompha de Troie ; La même majesté sur son front se déploie. À mes avides yeux soigneux de s’arracher. Chez Pammène, en secret, il semble se cacber. Interdite, et le cœur tout plein de son image, J’ai couru vous chercher sur ce triste rivage, Sous ces sombres cyprès, dans ce temple éloigné, Enfin vers ce tombeau de nos larmes baigné. Je l’ai vu, ce tombeau, couronné de guirlandes », De l’eau sainte arrosé, couvert encor d’offrandes ; Des cheveux, si mes yeux ne se sont pas trompés, Tels que ceux du héros dont mes sens sont frappés ; Une épée, et c’est là ma plus ferme espérance ^ C’est le signe éclatant du jour de la vengeance : Et quel autre qu’un fils, qu’un frère, qu’un héros, Suscité par les dieux pour le salut d’Argos, Aurait osé braver ce tyran redoutable ?

1. On lit dans VÉledre de Crébillon, TV, à :

Le tombeau do mon pèro encor mouillé de pleurs ; Qui les aurait versés ? Qui l’eût couvert de lleurs ?

2. Crébillon a dit, IV, i :

Un fer, signe certain qu’une main se prépare A venger ce grand roi des fureurs d’un barbare. Quelle main s’arme encor contre ses ennemis ? Qui jure ainsi leur mort, si ce n’est pas son fils ?