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AVERTISSEMENT

POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

Nanine est tirée du fameux roman de Paméla ; ce sujet, qui était tout à fait dans l’esprit et dans le goût de l’époque, avait déjà séduit Boissy et Nivelle de Lachaussée. L’un avait donné au Théâtre Italien, le 4 mars 1743, Paméla^ ou la Verlu mieux éprouvée, trois actes en vers ; l’autre avait donné à la Comédie-Française une Paméla en cinq actes et en vers, le 6 dé- cembre de la même année. Toutes deux avaient échoué, surtout la seconde, qui n’eut qu’une seule représentation et ne fut pas imprimée ; ce qui donna lieu de jouer aux Italiens la Déroule des Paméla.

D’ollaire jugea prudent de débaptiser l’héroïne. Nanine fut plus heureuse que Paméla. Elle réussit. « Amusez-vous donc, écrivait Voltaire à Baculard d’Arnaud, le jour de la seconde représentation (18 juin 1749J ; amusez-vous donc si vous pouvez à Nanine ; voici deux billets qui me restent. Si vous voulez d’ailleurs vous trouver chez Procope, je vous ferai entrer, vous, vos amis, vos filles de joie ou non-joie, partout où il vous plaira. »

« M. de la Place, traducteur du Tkéàlre anglais [c’est Collé qui consigne ce trait dans son Journal historique], me dit un fait dont il me jura avoir étL’le témoin ; il prétend qu’à la troisième représentation de Nanine., où. il assistait, il s’éleva un petit ricanement dans le parterre. Alors Voltaire, qui était placé aux troisièmes loges en face du théâtre, se leva et cria tout haut : « Arrêtez, barbares, arrêtez ! » et le parterre se tut. »

« Il était un peu désagréable, dit Wagnières dans ses Mémoires sur VoUaire, de se trouver à côté de lui aux représentations, parce qu’il ne pouvait se contenir. Tranquille d’abord, il s’animait insensiblement ; sa voix, ses pieds, sa canne, se faisaient entendre plus ou moins. Il se soulevait à demi de son fauteuil, se rasseyait ; tout à coup se trouvait droit, paraissant plus haut de dix puuces qu’il ne l’était réellement. C’était alors au’il faisait le plus de bruit. Les acteurs de profession redoutaient même, à cause de cela, de jouer devant lui. »

Nanine eut, dans sa nouveauté, douze représentations consécutives. Voltaire fut si content de l’accueil qui avait été fait à sa pièce, qu’il songea, dit-on, à la mettre en cinq actes : mais, mieux inspiré, il renonça à ce projet.