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ACTE V, SCÈNE VIII. 453

Mais co spectacle horripile aurait souillé vos yeux. Vous connaissez les lois qu Argos tient de ses dieux : Elles ne souffrent point que vos mains innocentes Avant le temps prescrit pressent ses mains sanglantes.

IPHISE.

Mais que fait Clytemnestre en ces moments d’horreur ? Voyons-la.

PAMMÈME.

Clytemnestre, en proie à sa fureur, De son indigne époux défend encor la vie ; Elle oppose à son fils une main trop hardie.

É ;.ECTRE.

Elle défend Égisthe… elle de qui le bras

A sur Agamemnon… Dieux, ne le souffrez pas !

PAMxMÈNE. —- On dit que dans ce trouble on voit les Euménides Sourdes à la prière, et de meurtres avides, Ministres des arrêts prononcés par le sort. Marcher autour d’Oreste, en appelant la mort \

1. Quoique cette catastrophe, imitée de Sophocle, soit, sans aucune comparaison, beaucoup plus théâtrale et plus tragique que l’autre manière dont on a joué la fin de la pièce, cependant j’ai été obligé de préférer sur le théâtre cette seconde leçon, toute faible qu’elle est, à la première. Rien n’est plus aisé et plus commun parmi nous que de jeter du ridicule sur une action théâtrale à laquelle on n’est pas accoutumé. Les cris de Clytemnestre, qui faisaient frémir les Athéniens, auraient pu, sur un théâtre mal construit et confusément rempli de jeunes gens, faire rire des Français ; et c’est ce que prétendait une cabale un peu violente. Cette action théâtrale a fait beaucoup d’effet à Versailles, parce que la scène, quoique trop étroite, était libre, et que le fond, plus rapproché, laissait entendre Clytemnestre avec plus de terreur, et rendait sa mort plus présente ; mais je doute que l’exécution eût pu réussira Paris.

Voici donc la manière dont on a gâté la fin de la pièce de Sophocle :

On dit que dans ce trouble on voit les Euménides, Sourdes à la priùro et de ven^’cancc avides, Ministres dos arrêts prononcés par le sort, Marcher autour d’Oreste en appelant la mort.

I PH ISIi.

Il vient : il est vengé ; je le vois.

l’ : I. li CTUB.

Cher Oreste, Je poux vous ouibrassor. Dieux ! fiucl accueil funeste, Quels regards elTrayants !

O U F. s T E.

G terre, entrouvre-toi : Clytemnestre, Tantale, Atréc, attendez-moi : Je vous suis aux enfers, éternelles victimes, etc.

{Note de Voltaire.)

— Cette note de Voltaire est antérieure à 17G1, époque où, cette pièce étant reprise, on en joua la fin sans adoucissement. (G. A.)