Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR LA TRAGÉDIE D’ORESTE. 183

lui n’pondiiil avec plus de circonspection et de douceur, il serait impossible (ju’alors Clytemnestre ne fût pas émue, et ne sentît pas des remords. Ainsi, puisque l’auteur d’Oresle, pour se conformer plus à nos mœurs et pour nous toucher davantage, rend Electre moins féroce avec sa mère, il fallait bien (ju’il rendît Clylenmestre moins farouche avec sa fille. L’un est la suite de l’autre. Electre est touchée quand sa mère lui dit I, m) :

Mes filles devant moi ne sont point étrangères ; Même en dépit d’Égisthe elles m’ont été chères : Je n’ai point étouffé mes premiers sentiments ; Et, malgré la fuieur de ses emportements, Electre, dont l’enfance a consolé sa mère Du sort d’Iphigénie et des rigueurs d’un père, Electre qui m’outrage, et qui brave mes lois, Dans le fond de mon cœur n’a point perdu ses droits.

CI} temnestre à son tour est émue quand sa fdle lui demande pardon de ses emportements. Pouvait-elle résister à ces paroles tendres :

Eh bien ! vous désarmez une fille éperdue. La nature en mon cœur est toujours entendue. Ma mère, s’il le faut, je condamne k vos pieds Ces reproches sanglants trop longtemps essuyés. Aux fers de mon tyran par vous-même livrée, D’Égisthe dans mon cœur je vous ai séparée. Ce sang que je vous dois ne saurait se trahir : J’ai pleuré sur ma mère, et n’ai j)u vous haïr.

Mais ensuite, quand cette même Electre, croyant sa mère complice de la mort d’Oreste, lui fait des reproches sanglants, et qu’elle lui dit (H, v),

Vous n’avez plus de fils ; son assassin cruel Craint les droits de ses sœurs au tronc paternel… Ah ! si j’ai quelques droits, s’il est vrai qu’il les craigne, Dans ce sang malheureux que sa main les éieigno ; Qu’il achève, à vos yeux, de déchirer mon sein : Et, si ce n’est assez, prêtez-lui votre main ; Frappez, joignez Electre à son malheureux frère ; Frappez, dis-je ; à vos coups je connaîtrai ma mère.

y a-t-il rien de plus naturel que de voir (Jytemnestre irritée reprendre alors toute sa dureté, et dire à sa fille :

Va, j’abandonne Electre au malheur qui la suit ; \’a, je suis Clytemnestre, et surtout je suis reine. Lo sang d’Agamemnon n’a de droits qu’à ma iiainc. (^est trop flatter la tienne, et, de ma faihle main, Caresser le serpent qui déchire mon sein. Pleure, tonne, gémis, j’y suis indifférente : Je ne verrai dans toi qu’une esclave imprudcuto, Flottant entre la plainte et la témérité,