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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/194

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184 DISSERTATION

Sous la puissante main de son maître irrité.

Je t’aimais malgré toi : lavcu m’en est bien triste ;

Je ne suis plus pour toi que la femme il’Égisthe ;

Je ne suis plus ta mère ; et toi seule as rompu

Ces nœuds infortunés de ce cœur combattu,

Ces nœuds qu’en frémissant réclamait la nature,

Que ma fille déteste, et qu’il faut que j’abjure !

Ces passages de la pillé à la colère, ce jeu des passions, ne sont-ils pas véritablement tragiques ? et le plaisir qu’ils ont constamment fait à toutes les représentations n’est-il pas un témoignage certain que l’auteur, en puisant également dans l’antiquité et dans la nature, a saisi tout ce que l’une et l’autre pouvaient fournir ?

Mais quand Electre parle au tyran, son caractère inflexible est tellement soutenu, qu’elle ne se dément pas même en demandant la grâce de son frère (V, m) :

Cruel, si vous pouvez pardonner à mon frère* (Je ne peux oublier le meurtre de mon père ; Mais je pourrais du moins, muette à votre aspect, Me forcer au silence, et peut-être au respect), etc.

Je demande si, dans l’intrigue A’Oresle, la plus simple sans contredit qu’il y ait sur notre théâtre, il n’y a pas un heureux artifice à faire aborder Oreste dans sa propre patrie par une tempête, le jour même que le tyran insulte aux mânes de son père ; si la rencontre du vieillard Pammène, et la scène qu’Oreste et Pylade ont avec lui, n’est pas dans le goût le plus pur de l’antiquité, sans en être une copie, et si on peut lavoir sans en être attendri. La dernière scène du deuxième acte entre Iphise et Electre, qui est une très-belle imitation de Sophocle, produit tout l’effet qu’on en peut attendre.

L’exposition de la pièce d’Oresle me paraît aussi pleine qu’on puisse la souhaiter. Le récit de la mort d’Agamemnon, dès la seconde scène, et que l’auteur a imité d’Eschyle, mettrait seul au fait, avec ce qui le précède, le spectateur le moins instruit. Electre peut-elle, après ce récit, exprimer son état d’une manière plus précise et plus entière qu’elle ne le fait dans ces trois vers (I, ii) :

Je pleure Agamemnon, je tremble pour un frère ;

Mes mains portent des fers, et mes yeux, pleins de pleurs,

N’ont vu que des forfaits et des persécuteurs ?

Le dessein détromper Electre pour la venger, et d’apporter les cendres prétendues d’Oreste, est entièrement de Sophocle. L’oracle avait expressé- ment ordonné qu’on vengeât la mort d’Agamemnon par la ruse, ^oXoioi 2, parce que ce meurtre avait été commis de même, et que la vengeance n’aurait

1. Ce vers ne se trouve ni dans le texte ni dans les variantes. (B.)

2. La fin de cet alinéa fut ajoutée en 1757. (B.)

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