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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/201

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DE L’AMI OUI TÉ. 101

Quels cHbrts, quels travaux, quels illustres projets, N’eût point tentés ce cœur charmé de vos attraits ! {Llectre de Crébilloii, II, à)

Qu’aurait-où dit] dans Athènes si, au lieu de cette belle exposition admirée de tous les siècles. Sophocle avait introduit Electre faisant confidence de son amour à la Nuit* ?

Ou’aurait-on dit si, la première fois qu"Électre parle à Oreste, cet Oreste lui eût fait confidence de son amour pour une fille d’Égisthe, et si Electre {"avait payé par une autre confidence de son amour pour le fils de ce tvran’

Qu’aurait-on dit si on avait entendu une fille d’Kgisthc s’écrier (I, x) :

Faisons tout pour l’amour, s’il ne fait rien pour moi ?

— Qu’aurait-on dit d’une Electre surannée, qui, voyant venir le fils d’Égisthe, se serait adoucie jusqu’à dire V. i :

... Hélas ! c’est lui. Que mon âme éperdue S’attendrit et s’émeut à cette chére vue !

Qu’aurait-on dit si on avait vu le Tra’.îa-j’wfo ;, ou gouverneur d’Oreste, devenir le principal personnage de la pièce, attirer sur soi toute l’attention, effacer entièrement et avilir celui qui doit faire le principal rôle ; de sorte que la pièce devrait être intitulée Palamède plutôt.qu’^/ec< ? ’e ?

Qu’aurait-on dit si on avait vu Oreste ]sans son ami P\lade) de\enir général des armées d’Égisthe, gagner des batailles, chasser deux rois, .sans que ce gouverneur en fut instruit ?

Ficta volui’-tatis causa sint proxima veris. Hou., An poél., .338.

Qu’aurait-on dit du roman étranger à la pièce, (jue deux actes entiers ne suffisent pas pour débrouiller ?

Qu’aurait-on dit enfin si Sophocle avait chargé sa pièce de deux reconnaissances, brusquées l’une et l’autre, et très-mal ménagées ? Electre, (jui sait ce que Tydée a fait pour Égisthe, qui n’ignore pas qu’il est amoureux de la fille de ce tyran, peut-elle soupçonner un moment, sans aucun indice, que ce même Tydée est son frère ? De plus, comment est-il possible qu’Oresle ait été si peu instruit de son sort et de son nom ?

Horace et tous les Romains, après les Grecs, à la vue de tant d’absurdités, se seraient écriés tous d’une voix :

Quodeumque ostendis mihi sic incrédules odi. HoR., Arl poél., 188.

1. C’est ce qu’a fait Crébillon, acte l*^’, scène T"" ’2, Cet alinéa fut ajouté en 1757. (B.)