Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/247

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Va, mes desseins sont grands, autant que mesurés ;
Les soldats de Sylla sont mes vrais conjurés.
Quand des mortels obscurs, et de vils téméraires,
D’un complot mal tissu forment les nœuds vulgaires,
Un seul ressort qui manque à leurs pièges tendus
Détruit l’ouvrage entier, et l’on n’y revient plus.
Mais des mortels choisis, et tels que nous le sommes,
Ces desseins si profonds,ces crimes degrands hommes,
Cette élite indomptable, et ce superbe choix
Des descendants de Mars et des vainqueurs des rois ;
Tous ces ressorts secrets, dont la force assurée
Trompe de Cicéron la prudence égarée,
Un feu dont l’étendue embrase au même instant
Les Alpes, l’Apennin, l’aurore et le couchant,
Que Rome doit nourrir, que rien ne peut éteindre :
Voilà notre destin, dis-moi s’il est à craindre.

CETHEGUS

Sous le nom de César, Préneste est-elle à nous ?

CATILINA

C’est là mon premier pas ; c’est un des plus grands coups
Qu’au sénat incertain je porte en assurance.
Tandis que Nonnius tombe sous ma puissance,
Tandis qu’il est perdu, je fais semer le bruit
Que tout ce grand complot par lui-même est conduit.
La moitié du sénat croit Nonnius complice.
Avant qu’on délibère, avant qu’on s’éclaircisse,
Avant que ce sénat, si lent dans ses débats,
Ait démêlé le piège où j’ai conduit ses pas,
Mon armée est dans Rome, et la terre asservie.
Allez ; que de ces lieux on enlève Aurélie,
Et que rien ne partage un si grand intérêt.



Scène 2

Catilina, Céthégus, etc ; Aurélie


AURELIE, une lettre à la main

Lis ton sort et le mien, ton crime et ton arrêt ;
Voilà ce qu’on m’écrit…

CATILINA

Quelle main téméraire ?…
Eh bien ! je reconnais le seing de votre père.