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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/250

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Que les dieux en courroux à mes vœux ont donné ;
Et couvert de son sang, libre dans ta furie,
Barbare, assouvis-toi du sang de ta patrie.

CATILINA

C’est donc là ce grand cœur, et qui me fut soumis ?
Ainsi vous vous rangez parmi mes ennemis ?
Ainsi dans la plus juste et la plus noble guerre
Qui jamais décida du destin de la terre,
Quand je brave un consul, et Pompée, et Caton,
Mes plus grands ennemis seront dans ma maison ?
Les préjugés romains de votre faible père
Arment contre moi-même une épouse si chère ?
Et vous mêlez enfin la menace à l’effroi ?


AURELIE

je menace le crime… et je tremble pour toi.
dans mes emportements vois encor ma tendresse.
frémis d’en abuser, c’est ma seule, faiblesse.
crains…

CATILINA

Cet indigne mot n’est pas fait pour mon cœur.
Ne me parlez jamais de paix ni de terreur :
C’est assez m’offenser. écoutez : je vous aime ;
Mais ne présumez pas que, m’oubliant moi-même,
J’immole à mon amour ces amis généreux,
Mon parti, mes desseins, et l’empire avec eux.
Vous n’avez pas osé regarder la couronne ;
Jugez de mon amour, puisque je vous pardonne :
Mais sachez…

AURELIE

La couronne où tendent tes desseins,
Cet objet du mépris du reste des Romains,
Va, je l’arracherais sur mon front affermie,
Comme un signe insultant d’horreur et d’infamie.
Quoi ! tu m’aimes assez pour ne te pas venger !
Pour ne me punir pas de t’oser outrager,
Pour ne pas ajouter ta femme à tes victimes ?
Et moi je t’aime assez pour arrêter tes crimes.
Et je cours…