Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/26

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Dont la beauté douce et compatissante,
À mes défauts facile à se plier,
Daigne avec moi me réconcilier,
Me corriger sans prendre un ton caustique,
Me gouverner sans être tyrannique,
Et dans mon coeur pénétrer pas à pas,
Comme un jour doux dans des yeux délicats :
Qui sent le joug le porte avec murmure ;
L'amour tyran est un dieu que j'abjure.
Je veux aimer, et ne veux point servir ;
C'est votre orgueil qui peut seul m'avilir.
J'ai des défauts ; mais le ciel fit les femmes
Pour corriger le levain de nos âmes,
Pour adoucir nos chagrins, nos humeurs,
Pour nous calmer, pour nous rendre meilleurs.
C'est là leur lot ; et pour moi, je préfère
Laideur affable à beauté rude et fière.

LA BARONNE

C'est fort bien dit, traître ! Vous prétendez,
Quand vous m'outrez, m'insultez, m'excédez,
Que je pardonne, en lâche complaisante,
De vos amours la honte extravagante ?
Et qu'à mes yeux un faux air de hauteur
Excuse en vous les bassesses du coeur ?

LE COMTE

Comment, madame ?

LA BARONNE

Oui, la jeune Nanine
Fait tout mon tort. Un enfant vous domine,
Une servante, une fille des champs,
Que j'élevai par mes soins imprudents,
Que par pitié votre facile mère
Daigna tirer du sein de la misère.
Vous rougissez !

LE COMTE

Moi ! Je lui veux du bien.

LA BARONNE

Non, vous l'aimez, j'en suis très sûre.

LE COMTE

Eh bien !
Si je l'aimais, apprenez donc, Madame,
Que hautement je publierais ma flamme.