Jugez de mon devoir quelle est la voix pressante.
J’ai senti ranimer ma force languissante ;
J’ai revolé vers vous. Les ravisseurs sanglants
Ont laissé le passage à mes pas chancelants ;
Soit que dans les fureurs de leur horrible joie,
Au pillage acharnés, occupés de leur proie,
Leur superbe mépris ait détourné les yeux ;
Soit que cet ornement d’un ministre des cieux,
Ce symbole sacré du grand dieu que j’adore,
À la férocité puisse imposer encore ;
Soit qu’enfin ce grand dieu, dans ses profonds desseins,
Pour sauver cet enfant qu’il a mis dans mes mains,
Sur leurs yeux vigilants répandant un nuage,
Ait égaré leur vue ou suspendu leur rage.
Seigneur, il serait temps encor de le sauver :
Qu’il parte avec mon fils ; je les puis enlever :
Ne désespérons point, et préparons leur fuite ;
De notre prompt départ qu’Étan ait la conduite.
Allons vers la Corée, au rivage des mers,
Aux lieux où l’océan ceint ce triste univers.
La terre a des déserts et des antres sauvages ;
Portons-y ces enfants, tandis que les ravages
N’inondent point encor ces asiles sacrés,
Éloignés du vainqueur, et peut-être ignorés.
Allons ; le temps est cher, et la plainte inutile.
Hélas ! Le fils des rois n’a pas même un asile !
J’attends les coréens ; ils viendront, mais trop tard :
Cependant la mort vole au pied de ce rempart.
Saisissons, s’il se peut, le moment favorable
De mettre en sûreté ce gage inviolable.
Scène III.
Étan, où courez-vous, interdit, consterné ?
Fuyons de ce séjour au scythe abandonné.