Devant ce fier vainqueur il m’a fallu paraître ;
Tout fumant de carnage, il m’a fait appeler,
Pour jouir de mon trouble, et pour mieux m’accabler.
Ses regards inspiraient l’horreur et l’épouvante.
Vingt fois il a levé sa main toute sanglante
Sur le fils de mes rois, sur mon fils malheureux.
Je me suis en tremblant jetée au-devant d’eux ;
Tout en pleurs, à ses pieds je me suis prosternée ;
Mais lui, me repoussant d’une main forcenée,
La menace à la bouche, et détournant les yeux,
Il est sorti pensif, et rentré furieux ;
Et s’adressant aux siens d’une voix oppressée,
Il leur criait vengeance, et changeait de pensée ;
Tandis qu’autour de lui ses barbares soldats
Semblaient lui demander l’ordre de mon trépas.
Pensez-vous qu’il donnât un ordre si funeste ?
Il laisse vivre encor votre époux qu’il déteste ;
L’orphelin aux bourreaux n’est point abandonné.
Daignez demander grâce, et tout est pardonné.
Non, ce féroce amour est tourné tout en rage.
Ah ! Si tu l’avais vu redoubler mon outrage,
M’assurer de sa haine, insulter à mes pleurs !
Et vous doutez encor d’asservir ses fureurs ?
Ce lion subjugué, qui rugit dans sa chaîne,
S’il ne vous aimait pas, parlerait moins de haine.
Qu’il m’aime ou me haïsse, il est temps d’achever
Des jours que, sans horreur, je ne puis conserver.
Ah ! Que résolvez-vous ?
Quand le ciel en colère
De ceux qu’il persécute a comblé la misère,
Il les soutient souvent dans le sein des douleurs,
Et leur donne un courage égal à leurs malheurs.
J’ai pris, dans l’horreur même où je suis parvenue,
Une force nouvelle, à mon cœur inconnue.
Va, je ne craindrai plus ce vainqueur des humains ;
Je dépendrai de moi : mon sort est dans mes mains.