De tes devoirs sacrés tu remplis l’étendue :
Je mourrai consolé.
Pardonne encor ce mot à mes sens attendris,
Pardonne à ces soupirs ; ne vois que mon courage.
Nos rois sont au tombeau, tout est dans l’esclavage.
Va, crois-moi, ne plaignons que les infortunés
Qu’à respirer encor le ciel a condamnés.
La mort la plus honteuse est ce qu’on te prépare.
Sans doute ; et j’attendais les ordres du barbare :
Ils ont tardé longtemps.
Ne saurons-nous mourir que par l’ordre d’un roi ?
Les taureaux aux autels tombent en sacrifice ;
Les criminels tremblants sont traînés au supplice ;
Les mortels généreux disposent de leur sort[1] :
Pourquoi des mains d’un maître attendre ici la mort ?
L’homme était-il donc né pour tant de dépendance !
De nos voisins altiers imitons la constance ;
De la nature humaine ils soutiennent les droits,
Vivent libres chez eux, et meurent à leur choix ;
Un affront leur suffit pour sortir de la vie,
Et plus que le néant ils craignent l’infamie.
Le hardi japonais n’attend pas qu’au cercueil
Un despote insolent le plonge d’un coup d’œil.
Nous avons enseigné ces braves insulaires ;
Apprenons d’eux enfin des vertus nécessaires ;
Sachons mourir comme eux.
Que le malheur extrême est au-dessus des lois.
J’avais déjà conçu tes desseins magnanimes ;
Mais seuls et désarmés, esclaves et victimes,
Courbés sous nos tyrans, nous attendons leurs coups.
- ↑ Ce sont les vers que dit Clavière, ex-ministre des finances en 1793, avant de se suicider. (G. A.)