Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/378

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SOCRATE.

Je suis un homme simple, dépourvu de sciences, et plein de faiblesses comme les autres. C’est beaucoup si vous me supportez.

ANITUS.

Vous supporter ! Je vous admire : je voudrais vous ressembler, s’il était possible ; et c’est pour être plus souvent témoin de vos vertus, pour entendre plus souvent vos leçons, que je veux épouser votre belle pupille Aglaé, dont la destinée dépend de vous.

SOCRATE.

Il est vrai que son père Agathon, qui était mon ami, c’est-à-dire beaucoup plus qu’un parent, me confia par son testament cette aimable et vertueuse orpheline.

ANITUS.

Avec des richesses considérables ? Car on dit que c’est le meilleur parti d’Athènes.

SOCRATE.

C’est sur quoi je ne puis vous donner aucun éclaircissement ; son père, ce tendre ami dont les volontés me sont sacrées, m’a défendu, par ce même testament, de divulguer l’état de la fortune de sa fille.

ANITUS.

Ce respect pour les dernières volontés d’un ami, et cette discrétion, sont dignes de votre belle âme. Mais on sait assez qu’Agathon était un homme riche.

SOCRATE.

Il méritait de l’être, si les richesses sont une faveur de l’Être suprême.

ANITUS.

On dit qu’un petit écervelé, nommé Sophronime, lui fait la cour à cause de sa fortune ; mais je suis persuadé que vous éconduirez un pareil personnage, et qu’un homme comme moi n’aura point de rival.

SOCRATE.

Je sais ce que je dois penser d’un homme comme vous : mais ce n’est pas à moi de gêner les sentiments d’Aglaé. Je lui sers de père, je ne suis point son maître : elle doit disposer de son coeur. Je regarde la contrainte comme un attentat. Parlez-lui ; si elle écoute vos propositions, je souscris à ses volontés.

ANITUS.

J’ai déjà le consentement de Xantippe votre femme ; sans doute elle est instruite des sentiments d’Aglaé ; ainsi je regarde la chose comme faite.