Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/397

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périr par le dernier supplice. Ce n’est pas tout ; votre réputation, qui doit vous être chère, sera flétrie dans tous les siècles. Non seulement tous les dévots et toutes les dévotes riront de votre mort, vous insulteront, allumeront le bûcher si on vous brûle, serreront la corde si on vous étrangle, broieront la ciguë si on vous empoisonne ; mais ils rendront votre mémoire exécrable à tout l’avenir. Vous pouvez aisément détourner de vous une fin si funeste : je vous réponds de vous sauver la vie, et même de vous faire déclarer par les juges le plus sage des hommes, ainsi que vous l’avez été par l’oracle d’Apollon ; il ne s’agit que de me céder votre jeune pupille Aglaé, avec la dot que vous lui donnez, s’entend ; nous ferons aisément casser son mariage avec Sophronime. Vous jouirez d’une vieillesse paisible et honorée, et les dieux et les déesses vous béniront.

SOCRATE.

Huissiers, conduisez-moi en prison sans tarder davantage.

On l’emmène.
ANITUS.

Cet homme est incorrigible : ce n’est pas ma faute ; j’ai fait mon devoir, je n’ai rien à me reprocher : il faut l’abandonner à son sens réprouvé, et le laisser mourir impénitent.