Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/396

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volonté du ciel : elle se manifeste par l’organe des lois. Quiconque résiste à la loi est indigne d’être citoyen. Dieu veut que je sois chargé de fers, je me soumets à ses décrets sans murmure. Dans ma maison, dans Athènes, dans les cachots, je suis également libre : et puisque je vois en vous tant de reconnaissance et tant d’amitié, je suis toujours heureux. Qu’importe que Socrate dorme dans sa chambre ou dans la prison d’Athènes ? Tout est dans l’ordre éternel, et ma volonté doit y être.

MÉLITUS.

Qu’on entraîne ce raisonneur. Voilà comme ils sont tous ; ils vous poussent des arguments jusque sous la potence.

ANITUS.

Messieurs, ce qu’il vient de dire m’a touché. Cet homme montre de bonnes dispositions. Je pourrais me flatter de le convertir. Laissez-moi lui parler un moment en particulier, et ordonnez que sa femme et ces jeunes gens se retirent.

UN JUGE.

Nous le voulons bien, vénérable Anitus ; vous pouvez lui parler avant qu’il comparaisse devant notre tribunal.


Scène XI.

Anitus, Socrate.
ANITUS.

Vertueux Socrate, le coeur me saigne de vous voir en cet état.

SOCRATE.

Vous avez donc un coeur ?

ANITUS.

Oui, et je suis prêt à tout faire pour vous.

SOCRATE.

Vraiment, je suis persuadé que vous avez déjà beaucoup fait.

ANITUS.

.

Écoutez ; votre situation est plus dangereuse que vous ne pensez : il y va de votre vie.

SOCRATE.

Il s’agit donc de peu de chose.

ANITUS.

C’est peu pour votre âme intrépide et sublime ; c’est tout aux yeux de ceux qui chérissent comme moi votre vertu. Croyez-moi ; de quelque philosophie que votre âme soit armée, il est dur de