Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/402

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nous avons la main à la pâte, de faire mourir tous les géomètres, qui prétendent que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits ? Ils scandalisent étrangement la populace occupée à lire leurs livres.

UN AUTRE JUGE.

Oui, oui, nous les pendrons à la première session. Allons dîner[1].


Scène II.

SOCRATE.

Depuis longtemps j’étais préparé à la mort. Tout ce que je crains à présent, c’est que ma femme Xantippe ne vienne troubler mes derniers moments, et interrompre la douceur du recueillement de mon âme ; je ne dois m’occuper que de l’Être suprême, devant qui je dois bientôt paraître. Mais la voilà : il faut se résigner à tout.


Scène III.

Socrate, Xanrippe, Les Disciples de Socrate.
XANTIPPE.

Eh bien ! Pauvre homme, qu’est-ce que ces gens de loi ont conclu ? Êtes-vous condamné à l’amende ? Êtes-vous banni ? Êtes-vous absous ? Mon dieu ! Que vous m’avez donné d’inquiétude ! Tâchez, je vous prie, que cela n’arrive pas une seconde fois.

SOCRATE.

Non, ma femme, cela n’arrivera pas deux fois, je vous en réponds ; ne soyez en peine de rien. Soyez les bienvenus, mes chers disciples, mes amis.

CRITON.

Vous nous voyez aussi alarmés de votre sort que votre femme Xantippe : nous avons obtenu des juges la permission de vous

  1. Au XVIe siècle, il se passa une scène à peu près semblable, et un des juges dit ces propres paroles : A la mort: et allons dîner. — Cette note (de Voltaire) a aussi été ajoutée en 1761. Fréron, dans l'Année littéraire, 1759, tome V, page 132, avait remarqué que le trait du juge était rapporté dans les mémoires du cardinal de Retz. (B.)