Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/442

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FABRICE.

Vous êtes plus que malade, vous êtes triste… Entre nous, pardonnez… ; il paraît que votre fortune n’est pas comme votre personne.

LINDANE.

Comment ? quelle imagination ! je ne me suis jamais plainte de ma fortune.

FABRICE.

Non, vous dis-je, elle n’est pas si belle, si bonne, si désirable que vous l’êtes.

LINDANE.

Que voulez-vous dire ?

FABRICE.

Que vous touchez ici tout le monde, et que vous l’évitez trop. Écoutez : je ne suis qu’un homme simple, qu’un homme du peuple ; mais je vois tout votre mérite comme si j’étais un homme de la cour : ma chère dame, un peu de bonne chère : nous avons là-haut un vieux gentilhomme, avec qui vous devriez manger.

LINDANE.

Moi, me mettre à table avec un homme, avec un inconnu ?…

FABRICE.

C’est un vieillard qui me paraît un galant homme. Vous paraissez bien affligée, il paraît bien triste aussi : deux afflictions mises ensemble peuvent devenir une consolation.

LINDANE.

Je ne veux, je ne peux voir personne.

FABRICE.

Souffrez au moins que ma femme vous fasse sa cour ; daignez permettre qu’elle mange avec vous, pour vous tenir compagnie. Souffrez quelques soins…

LINDANE.

Je vous rends grâce avec sensibilité ; mais je n’ai besoin de rien.

FABRICE.

Oh ! je n’y tiens pas : vous n’avez besoin de rien, et vous n’avez pas le nécessaire !

LINDANE.

Qui vous en a pu imposer si témérairement ?

FABRICE.

Pardon !

LINDANE.

Vous extravaguez, mon cher hôte.