Connaissez-vous les grandes passions, mademoiselle ?
Hélas ! madame, voilà une étrange question.
Connaissez-vous l’amour véritable ? non pas l’amour insipide, l’amour langoureux ; mais cet amour, là, qui fait qu’on voudrait empoisonner sa rivale, tuer son amant, et se jeter ensuite par la fenêtre ?
Mais c’est la rage dont vous me parlez là.
Sachez que je n’aime point autrement, que je suis jalouse, vindicative, furieuse, implacable.
Tant pis pour vous, madame.
Répondez-moi ; milord Murray n’est-il pas venu ici quelquefois ?
Que vous importe, madame ? et de quel droit venez-vous m’interroger ? Suis-je une criminelle ? êtes-vous mon juge ?
Je suis votre partie : si milord vient encore vous voir, si vous flattez la passion de cet infidèle, tremblez : renoncez à lui ou vous êtes perdue.
Vos menaces m’affermiraient dans ma passion pour lui, si j’en avais une.
Je vois que vous l’aimez, que vous vous laissez séduire par un perfide ; je vois qu’il vous trompe, et que vous me bravez : mais sachez qu’il n’est point de vengeance à laquelle je ne me porte.
Eh bien ! madame, puisqu’il est ainsi, je l’aime.
Avant de me venger, je veux vous confondre : tenez, connaissez le traître ; voilà les lettres qu’il m’a écrites ; voilà son portrait qu’il m’a donné. (Elle le donne à Lindane.)
Qu’ai-je vu, malheureuse !… Madame…