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49 » É PITRE DÉDICATOIRE.

Il y a encore dans cette pièce une autre nouveauté qui me paraît mériter d’être perfectionnée ; elle est écrite en vers croist’s. Cette sorte de poésie sauve l’uniformité de la rime ; mais aussi ce genre d’écrire est dangereux, car tout a son : écueil. Ges grands tableaux, que les anciens regardaient comme une partie essentielle de la tragédie, peuvent aisément nuire au théâtre de France, en le réduisant à n’être presque qu’une vaine décoration ; et la sorte de vers que j’ai employés dans Tancrede approche peut-être trop de la prose. Ainsi il pourrait arriver qu’en voulant perfectionner la scène française, on la gâterait entièrement. Il se peut qu’on y ajoute un mérite qui lui manque, il se peut qu’on la corrompe.

J’insiste seulement sur une chose, c’est la variété dont on a besoin dans une ville immense, la seule de la terre qui ait jamais eu des’spectacles tous les jours. Tant que nous saurons maintenir par cette variété le mérite de notre scène S ce talent nous rendra toujours agréables aux autres peuples ; c’est ce qui fait que des personnes de la plus haute distinction représentent souvent nos ouvrages dramatiques en Allemagne, en Italie, qu’on les tmduit même en Angleterre, tandis que nous voyons dans nos provinces^ des salles de spectacle magnifiques, comme on voyait des cirques dans toutes les provinces romaines ; preuve incontestable du goût qui subsiste parmi nous, et preuve de nos ressources dans les temps les plus difficiles. C’est en vain que plusieurs de nos compatriotes s’efforcent d’annoncer^ notre décadence en tout genl : e^ Je ne suis pas de l’avis de ceux qui, au sortir du spectacle, dans un souper délicieux, dans le sein du luxe et du plaisir, disent gaiement que tout est perdu ; je suis assez près d’une ville de province, aussi peuplée que Rome moderne, et beaucoup plus opulente, qui entretient plus de quarante mille ouvriers, et qui vient de construire en même temps le plus bel hôpital du royaume,

pas aux bons citoyens. Un temps viendra que quoique génie plus heureux l’introduira sur la scène avec plus de majesté.

<(Je dois parler encore d’une petite nouveauté qui est dans Tancrede, et qui peut mériter un jour d’être perfectionnée. Cette pièce est écrite on vers croisés. Cette sorte de poésie, etC4 » — J’ai donné une liste d’environ 80 pièces de théâtre où figure Henri IV (voyez n° 1211 delà Bibliographie delà France, année 1828. (B.)

1. Dans les édiiions do Prault et de Duchesne, on lit : « de notre théâtre. » (B.)

2. Dans les éditions de Prault et de Duchesne, on lit : « nos tragédies et nos comédies dans plus d’une ville étrangère, tandis que, etc. » (B.)

3. À Bordeaux et à Lyon. (B.)

4. Les éditions de Prault et de Duchesne portent : « d’annoncer à l’Europe. » (B.)

5. Dans ces mêmes éditions, on lit : « J’avoue que je ne suis pas, etc. » (B.)

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