Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/556

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ÎJ46 TANGRÈDE.

Envers vous, envers lui, j’ai rempli mon devoir, Jen ai reçu le prix… je n’ai point d’autre espoir : Trop de reconnaissance est un fardeau peut-être ; Mon cœur vous en dégage… et le vôtre est le maître De pouvoir à son gré disposer de son sort. Vivez heureuse… et moi, je vais chercher la mort.

SCÈNE V.

AMÉNAÏDE, FANIE.

AMÉNAÏDE.

Veillé-je ? et du tombeau suis-je en eflct sortie ? Est-il vrai que le ciel m’ait rendue à la vie ? Ce jour, ce triste jour éclaire-t-il mes yeux ? Ce que je viens d’entendre, ô ma chère Fanie ! Est un arrêt de mort, plus dur, plus odieux. Plus affreux que les lois qui m’avaient condamnée.

FANIE.

L’un et l’autre est horrible à mon âme étonnée.

AMÉNAÏDE.

Est-ce ïancrède, ô ciel ! qui vient de me parler ?

As-tu vu sa froideur altière, avilissante.

Ce courroux dédaigneux dont il m’ose accabler ?

Fanie, avec horreur il voyait son amante !

Il m’arrache à la mort, et c’est pour m’immoler !

Qu’ai-je donc fait, Tancrôde ? Ai-je pu vous déplaire ?

FANIE.

Il est vrai que son front respirait la colère, Sa voix entrecoupée affectait des froideurs ; H détournait les yeux, mais il cachait ses pleurs.

AMÉNAÏDE.

Il me rebute, il fuit, me renonce, et m’outrage ! Quel changement affreux a formé cet orage ? Que veut-il ? quelle offense excite son courroux ? De qui dans l’univers peut-il être jaloux ? Oui, je lui dois la vie, et c’est toute ma gloire. Seul objet de mes vœux, il est mon seul appui. Je mourais, je le sais, sans lui, sans sa victoire ; Mais s’il sauva mes jours, je les perdais pour lui.