Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/588

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SAMUEL.

Il m’ordonne de vous dire qu’il s’est repenti[1] de vous avoir fait régner.

SAÜL.

Dieu, se repentir ! Il n’y a que ceux qui font des fautes qui se repentent ; sa sagesse éternelle ne peut être imprudente. Dieu ne peut faire des fautes.

SAMUEL.

Il peut se repentir d’avoir mis sur le trône ceux qui en commettent.

SAÜL.

Eh ! quel homme n’en commet pas ? Parlez, de quoi suis-je coupable ?

SAMUEL.

D’avoir pardonné à un roi.

AGAG.

Comment ! la plus belle des vertus serait regardée chez vous comme un crime ?

SAMUEL, à Agag.

Tais-toi, ne blasphème point. (À Saül) Saül, ci-devant roi des Juifs[2], Dieu ne vous avait-il pas ordonné par ma bouche d’égorger tous les Amalécites, sans épargner ni les femmes, ni les filles, ni les enfants à la mamelle[3] ?

AGAG.

Ton Dieu t’avait ordonné cela ! Tu t’es trompé, tu voulais dire ton diable.

SAMUEL, à ses prêtres.

Préparez-vous à m’obéir ; et vous, Saül, avez-vous obéi à Dieu ?

SAÜL.

Je n’ai pas cru qu’un tel ordre fût positif ; j’ai pensé que la bonté était le premier attribut de l’Être suprême, qu’un cœur compatissant ne pouvait lui déplaire.

SAMUEL.

Vous vous êtes trompé, homme infidèle : Dieu vous réprouve, votre sceptre passera dans d’autres mains[4].

BAZA, à Saül.

Quelle insolence ! Seigneur, permettez-moi de punir ce prêtre barbare.

  1. Rois, I, chap. xv, verset 11.
  2. Rois, I, chap. xv, verset 23.
  3. Rois, I, chap. xv, versets 3, 16.
  4. Rois, I, chap. xxviii, versets 10, 17, 19.