Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/592

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ACTE DEUXIÈME.




Scène I.

DAVID, MICHOL.
MICHOL.

Impitoyable époux, prétends-tu attenter à la vie de mon père, de ton bienfaiteur, de celai qui, t’ayant d’abord pris pour son joueur de harpe[1], te fit bientôt après son écuyer, qui enfin t’a mis dans mes bras ?

DAVID.

Il est vrai, ma chère Michol, que je lui dois le bonheur de posséder vos charmes ; il m’en a coûté assez cher : il me fallut apporter à votre père deux cents prépuces[2] de Philistins pour présent de noces. Deux cents prépuces ne se trouvent pas si aisément : je fus obligé de tuer deux cents hommes pour venir à bout de cette entreprise ; et je n’avais pas la mâchoire d’âne de Samson ; mais eût-il fallu combattre toutes les forces de Babylone et d’Égypte, je l’aurais fait pour vous mériter ; je vous adorais et je vous adore.

MICHOL.

Et pour preuve de ton amour, tu en veux aux jours de mon père !

DAVID.

Dieu m’en préserve ! je ne veux que lui succéder : vous savez que j’ai respecté sa vie, et que, lorsque je le rencontrai dans une caverne, je ne lui coupai que le bout de son manteau[3] ; la vie du père de ma chère Michol me sera toujours précieuse.

MICHOL.

Pourquoi donc te joindre à ses ennemis ? Pourquoi te souiller

  1. L’anglais dit harper.
  2. Rois, I, chap. xviii, verset 25. — Le texte ne parle que de cent. (B.)
  3. Rois, 1, chap. XXIV, verset 5 ; xxvi, 12.