Scène V.
Ah, princesse ! votre Jonathas, savez-vous ?
Quoi donc ! mon frère Jonathas ?…
Est condamné à mort, dévoué au Seigneur, à l’anathème.
Jonathas qui aimait tant votre mari ?
Il n’est plus ? On lui a arraché la vie ?
Non, madame, il est en parfaite santé : le roi votre père, en marchant, au point du jour, contre Akis, a rencontré un petit corps de Philistins ; et, comme nous étions dix contre un[1], nous avons donné dessus avec courage. Saül, pour augmenter les forces du soldat, qui était à jeun, a ordonné que personne ne mangeât de la journée, et a juré qu’il immolerait au Seigneur le premier qui déjeunerait[2] : Jonathas, qui ignorait cet ordre prudent, a trouvé un rayon de miel, et en a avalé la largeur de mon pouce : Saül, comme de raison, l’a condamné à mourir ; il savait ce qu’il en coûte de manquer à sa parole ; l’aventure d’Agag l’effrayait, il craignait Samuel ; enfin Jonathas allait être offert en victime ; toute l’armée s’est soulevée contre ce parricide ; Jonathas est sauvé, et l’armée s’est mise à manger et à boire ; et, au lieu de perdre Jonathas, nous avons été défaits de Samuel. Il est mort d’apoplexie.
Tant mieux ; c’était un vilain homme[3].
Dieu soit béni !
Le roi Saül vient, suivi de tous les siens ; je crois qu’il va tenir conseil dans cette chènevière, pour savoir comment il s’y prendra pour attaquer Akis et les Philistins.