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Scène V.

MICHOL, ABIGAÏL, le messager ÉBIND.
ÉBIND.

Ah, princesse ! votre Jonathas, savez-vous ?

MICHOL.

Quoi donc ! mon frère Jonathas ?…

ÉBIND.

Est condamné à mort, dévoué au Seigneur, à l’anathème.

ABIGAÏL.

Jonathas qui aimait tant votre mari ?

MICHOL.

Il n’est plus ? On lui a arraché la vie ?

ÉBIND.

Non, madame, il est en parfaite santé : le roi votre père, en marchant, au point du jour, contre Akis, a rencontré un petit corps de Philistins ; et, comme nous étions dix contre un[1], nous avons donné dessus avec courage. Saül, pour augmenter les forces du soldat, qui était à jeun, a ordonné que personne ne mangeât de la journée, et a juré qu’il immolerait au Seigneur le premier qui déjeunerait[2] : Jonathas, qui ignorait cet ordre prudent, a trouvé un rayon de miel, et en a avalé la largeur de mon pouce : Saül, comme de raison, l’a condamné à mourir ; il savait ce qu’il en coûte de manquer à sa parole ; l’aventure d’Agag l’effrayait, il craignait Samuel ; enfin Jonathas allait être offert en victime ; toute l’armée s’est soulevée contre ce parricide ; Jonathas est sauvé, et l’armée s’est mise à manger et à boire ; et, au lieu de perdre Jonathas, nous avons été défaits de Samuel. Il est mort d’apoplexie.

MICHOL.

Tant mieux ; c’était un vilain homme[3].

ABIGAÏL.

Dieu soit béni !

ÉBIND.

Le roi Saül vient, suivi de tous les siens ; je crois qu’il va tenir conseil dans cette chènevière, pour savoir comment il s’y prendra pour attaquer Akis et les Philistins.

  1. Rois, I, chap. XIV, verset 24.
  2. Rois, I, chap. xiv, verset 27.
  3. Le texte porte : A sad dog.