Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/618

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Vous autres prêtres, vous faites toujours bonne chère ; si je prends la guerre, vous n’y allez pas : je choisis la peste ; j’espère que tu l’auras, que tu crèveras comme tu le mérites.

GAG.

Dieu soit béni[1] !

(Il s’en va criant : « La peste, la peste », et tout le monde crie : « La peste, la peste. »)
JOAB.

Je ne comprends rien à tout cela : comment ! la peste, pour avoir fait son compte ?


Scène III.

LES PERSONNAGES PRÉCÉDENTS, BETHSABÉE, SALOMON.
BETHSABÉE.

Eh ! milord ! il faut que vous ayez le diable dans le corps pour choisir la peste ; il est mort sur-le-champ [2] soixante-dix mille personnes, et je crois que j'ai déjà le charbon : je tremble pour moi et pour mon fils Salomon, que je vous amène.

DAVID.

J’ai pis que le charbon[3] je suis las de tout ceci : il faut donc que j’aie plus de pestiférés que de sujets : écoutez, je deviens vieux, vous n’êtes plus belle ; j’ai toujours froid aux pieds, il me faudrait une fille de quinze ans pour me réchauffer.

JOAB.

Parbleu, milord, j’en connais une qui sera votre fait ; elle s’appelle Abisag de Sunam.

DAVID.

Qu’on me l’amène, qu’on me l’amène, qu’elle m’échauffe.

BETHSABÉE.

En vérité, vous êtes un vilain débauché : fi ! à votre âge, que voulez-vous faire d’une petite fille ?

JOAB.

Milord, la voilà qui vient ; je vous la présente.

DAVID.

Viens çà, petite fille, me réchaufferas-tu bien ?

  1. Il y a dans l’original : Pox, pox.
  2. Rois, II, chap. xxiv.
  3. Id., ibid.