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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/99

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DISCOURS[1]

prononcé au théâtre-français par un des acteurs
Avant la première représentation de la tragédie d’oreste
(12 janvier 1730).



Messieurs, l’auteur de la tragédie que nous allons avoir l’honneur de vous donner n’a point la vanité téméraire de vouloir lutter contre la pièce d’Électre[2], justement honorée de vos suffrages, encore moins contre son confrère qu’il a souvent appelé son maître[3], et qui ne lui a inspiré qu’une noble émulation, également éloignée du découragement et de l’envie ; émulation compatible avec l’amitié, et telle que doivent la sentir les gens de lettres. Il a voulu seulement, messieurs, hasarder devant vous un tableau de l’antiquité ; quand vous aurez jugé cette faible esquisse d’un monument des siècles passés, vous reviendrez aux peintures plus brillantes et plus composées des célèbres modernes.

Les Athéniens, qui inventèrent ce grand art que les Français seuls sur la terre cultivèrent heureusement, encouragèrent trois de leurs citoyens à travailler sur le même sujet. Vous, messieurs, en qui l’on voit aujourd’hui revivre ce peuple aussi célèbre par son esprit que par son courage, vous qui avez son goût, vous aurez son équité. L’auteur, qui vous présente une imitation de l’antique, est bien plus sûr de trouver en vous des Athéniens qu’il ne se flatte d’avoir rendu Sophocle. Vous savez que la Grèce, dans tous ses monuments, dans tous les genres de poésie et d’élo-

  1. Ce discours a été imprimé pour la première fois en 1814, par M. Decroix, dans le volume intitulé Commentaire sur le théâtre de M. de Voltaire, par M. de Laharpe, in-8o. (B.)
  2. « Il y a vingt ans, écrivait cependant Voltaire à ses amis en parlant d’Électre que je suis indigné de voir le plus beau sujet de l’antiquité avili par un misérable amour, par une partie carrée, et par des vers ostrogoths. »
  3. Crébillon.