Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome50.djvu/175

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De même on vous a dit, monsieur, que nos états voulaient avoir actuellement six mille quintaux de sel de Berne, ce qui était absolument impossible ; et on a reconnu qu’en faisant casser le marché de Rose, ils ne voulaient que s’assurer pour l’avenir les secours de Berne dans des besoins urgents.

Vous mettez tous les disputants d’accord en leur promettant votre protection dans ce besoin, qui ne tardera pas à se manifester, et en voulant bien les assurer qu’ils auront du sel de la ferme. Moyennant cette assurance, tout le monde me paraît aujourd’hui très-content ; et des deux côtés on doit également vous bénir.

Je voudrais bien que l’affaire des régisseurs du marc d’or pût s’accommoder aussi aisément avec les horlogers de Ferney. Messieurs de Genève envoient tous les ans en France trente mille montres d’or à dix-huit carats, et ces régisseurs ne veulent pas souffrir que mes pauvres colons en envoient cinq cents. M. de Fargès dit à la régie qu’elle a tort, et que celui qui couperait le cou à la poule aux œufs d’or, sous prétexte qu’elle pondrait à dix-huit carats, serait un fort mauvais ménager.

J’abuse de votre temps et de vos bontés, monsieur, en vous parlant de toutes ces misères ; je vous prie de me pardonner.

Ignirasque viæ mecum miseratus agrestes,
Ingredere, et votis jam nunc assuesce vocari[1].


Je suis avec respect, etc.


9926. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.

1er janvier.


Ne criez pas tant, messieurs ; il y a longtemps que votre dîner est prêt[2], mais je n’ai pas osé le servir sur table ; et même encore aujourd’hui je tremble de vous faire très-mauvaise chère  ; il n’y a que trois services. Je m’étais imaginé qu’en les donnant à dîner, et les trois actes assez plaisants et assez intéressants, à mon gré, du Droit du Seigneur, à souper, cela pourrait vous amuser quelque jour. Il est vrai que la peur m’a pris quand j’ai relu ma petite drôlerie tragique ; et ma peur a été si grande que je ne voulais pas montrer cet abrégé de tragédie à Mme  Denis, Hier j’ai sur-

  1. Virgile, Géorg., I, 41.
  2. Irène, tragédie.