Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/124

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Le sang le plus abject, le sang des plus grands rois,
Ne sont-ils pas égaux devant l’Être suprême ?
On est connu de lui bien plus que de soi-même.
Ce grands noms autrefois avaient pu me flatter ;
Dans la nuit de la tombe il les faut emporter.
Laissez-moi pour jamais en perdre la mémoire.


L’Hiérophante

Nous renonçons sans doute à l’orgueil, à la gloire,
Nous pensons comme vous ; mais la Divinité
Exige un aveu simple, et veut la vérité.
Parlez… Vous frémissez !

Statira

Vous frémirez vous-même…


Aux prêtres et aux prêtresses.

Vous qui servez d’un Dieu la majesté suprême,
Qui partagez mon sort, à son culte attachés,
Qu’entre vous et ce Dieu mes secrets soient cachés !


L’Hiérophante

Nous vous le jurons tous.

Statira

Avant que de m’entendre,
Dites-moi s’il est vrai que le cruel Cassandre
Soit ici dans le rang de nos initiés ?


L’Hiérophante

Oui, madame.

Statira

Il a vu ses forfaits expiés !…

L’Hiérophante

Hélas ! Tous les humains ont besoin de clémence.
Si Dieu n’ouvrait ses bras qu’à la seule innocence,
Qui viendrait dans ce temple encenser les autels ?
Dieu fit du repentir la vertu des mortels.
Ce juge paternel voit du haut de son trône
La terre trop coupable, et sa bonté pardonne.


Statira

Eh bien ! Si vous savez pour quel excès d’horreur
Il demande sa grâce et craint un dieu vengeur ;
Si vous êtes instruit qu’il fit périr son maître ;
Et quel maître, grands dieux ! si vous pouvez connaître
Quel sang il répandit dans nos murs enflammés,
Quand aux yeux d’Alexandre, à peine encor fermés,
Ayant osé percer sa veuve gémissante,