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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/140

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Je vais des immortels implorer la faveur.

Cassandre.

Olympie !…

L’Hiérophante.

Olympie !…En ces lieux ce moment la rappelle.
Voyez si vous avez encor des droits sur elle.
Je vous laisse.

(Il sort, et le temple s’ouvre.)

Scène III.

CASSANDRE, SOSTÈNE, STATIRA, OLYMPIE.
Cassandre.

Je vous laisse.Elle tremble, ô ciel ! Et je frémis !…
Quoi ! Vous baissez les yeux de vos larmes remplis !

    fils de Roméli. Il semble au contraire que ces abominations du peuple de Dieu sont punies par une suite continuelle de désastres presque aussi grands que ces forfaits.
     Si donc tant de crimes et tant de meurtres ne sont point excusés dans l’Écriture, pourquoi le meurtre d’Athalie serait-il consacré sur le théâtre ?
     Certes, quand Athalie dit à l’enfant : « Je prétends vous traiter comme mon propre fils, » Josabeth pouvait lui répondre : Eh bien ! madame, traitez-le donc comme votre fils, car il l’est ; vous êtes sa grand’mère ; vous n’avez que lui d’héritier ; je suis sa tante ; vous êtes vieille ; vous n’avez que peu de temps à vivre ; cet enfant doit faire votre consolation. Si un étranger et un scélérat comme Jéhu, melk de Samarie, assassina votre père et votre mère, s’il fit égorger soixante et dix fils de vos frères, et quarante-deux de vos enfants, il n’est pas possible que, pour vous venger de cet abominable étranger, vous prétendiez massacrer le seul petit-fils qui vous reste. Vous n’êtes pas capable d’une démence si exécrable et si absurde, ni mon mari ni moi ne pouvons avoir la fureur insensée de vous en soupçonner ; ni un tel crime ni un tel soupçon ne sont dans la nature. Au contraire, on élève ses petits-fils pour avoir un jour en eux des vengeurs. Ni moi ni personne ne pouvons croire que vous ayez été à la fois dénaturée et insensée. Élevez donc le petit Joas ; j’en aurai soin, moi qui suis sa tante, sous les yeux de sa grand’mère. »
     Voilà qui est naturel, voilà qui est raisonnable : mais ce qui ne l’est peut-être pas, c’est qu’un prêtre dise : « J’aime mieux exposer le petit enfant à périr que de le confier à sa grand’mère ; j’aime mieux tromper ma reine, et lui promettre indignement de l’argent, pour l’assassiner, et risquer la vie de tous les lévites par cette conspiration, que de rendre à la reine son petit-fils ; je veux garder cet enfant et égorger sa grand’mère, pour conserver plus longtemps mon autorité. » C’est là, au fond, la conduite de ce prêtre.
     J’admire, comme je le dois, la difficulté surmontée dans la tragédie d’Athalie, la force, la pompe, l’élégance de la versification, le beau contraste du guerrier Abner et du prêtre Mathan. J’excuse la faiblesse du rôle de Josabeth, j’excuse quelques longueurs ; mais je crois que si un roi avait dans ses États un homme tel que Joad, il ferait fort bien de l’enfermer. (Note de Voltaire.)