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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/170

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Distinguer l’assassin du vengeur d’une mère,
La nature a des droits. Statira, dans les cieux,
À côté d’Alexandre, arrête ici ses veux.
Vous êtes dans ce temple encore ensevelie ;
Mais la terre et le ciel observent Olympie.
Il faut entre nous deux que vous vous déclariez.

Olympie.

J’y consens ; mais je veux que vous me respectiez.
Vous voyez ces apprêts, ces dons que je dois faire
À nos dieux infernaux, aux mânes d’une mère ;
Vous choisissez ce temps, impétueux rivaux,
Pour me parler d’hymen au milieu des tombeaux !
Jurez-moi seulement, soldats du roi mon père[1],
Rois après son trépas, que, si je vous suis chère,
Dans ce moment du moins, reconnaissant mes lois,
Vous ne troublerez point mes devoirs et mon choix.

Cassandre.

Je le dois, je le jure ; et vous devez connaître
Combien je vous respecte, et dédaigne ce traître.

Antigone.

Oui, je le jure aussi, bien sûr que votre cœur
Pour ce rival barbare est pénétré d’horreur.
Prononcez ; j’y souscris.

Olympie.

Prononcez ; j’y souscris.Songez, quoi qu’il en coûte,
Vous-même l’avez dit, qu’Alexandre m’écoute.

Antigone.

Décidez devant lui.

Cassandre.

Décidez devant lui.J’attends vos volontés[2].

Olympie.

Connaissez donc ce cœur que vous persécutez,
Et vous-mêmes jugez du parti qui me reste.
Quelque choix que je fasse, il doit m’être funeste.

  1. Dans Artémire, acte 1er, scène Ire (voyez Théâtre, tome Ier, p. 126), Voltaire avait dit :
    Soldats sous Alexandre, et rois après sa mort. (B.)
  2. « C’est une situation assez forcée, assez invraisemblable, écrivait Voltaire, que deux amants viennent presser mademoiselle de faire un choix dans le temps même qu’on brûle madame sa mère ; mais je voulais me donner le plaisir du bûcher, et si Olympie ne se jette pas dans le bûcher aux yeux de ses deux amants, le grand tragique est manqué. »