Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/19

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Et je suis prêt, dans mes trois caractères,
À te servir dans toutes tes affaires.
Que veux-tu ? dis.

MATHURIN.

Que veux-tu ? dis.Je veux qu’incessamment
On me marie.

LE BAILLIF.

On me marie.Ah ! vous êtes pressant.

MATHURIN.

Et très-pressé… Voyez-vous ? l’âge avance.
J’ai dans ma ferme acquis beaucoup d’aisance ;
J’ai travaillé vingt ans pour vivre heureux ;
Mais l’être seul !… il vaut mieux l’être deux.
Il faut se marier avant qu’on meure.

LE BAILLIF.

C’est très-bien dit : et quand donc ?

MATHURIN.

C’est très-bien dit : et quand donc ? Tout à l’heure.

LE BAILLIF.

Oui ; mais Colette à votre sacrement[1],
Mons Mathurin, peut mettre empêchement :
Elle vous aime avec quelque tendresse,
Vous et vos biens ; elle eut de vous promesse
De l’épouser.

MATHURIN.

De l’épouser. Oh bien ! je dépromelt.
Je veux pour moi m’arranger désormais ;
Car je suis riche et coq de mon village.
Colette veut m’avoir par mariage,
Et moi je veux du conjugal lien
Pour mon plaisir, et non pas pour le sien,
Je n’aime plus Colette ; c’est Acanthe,
Entendez-vous, qui seule ici me tente.
Entendez-vous, magister trop rétif ?

LE BAILLIF.

Oui, j’entends bien : vous êtes trop hâtif ;
Et pour signer vous devriez attendre

  1. Voltaire écrivait à d’Argental, le 12 avril 1760 : « J’ignore si ce mot divin peut passer dans une comédie sans encourir l’excommunication majeure. Je ne suis pas assez hardi pour corriger les vers de Hurtaud, mais on peut bien mettre
    votre engagement au lieu de votre sacrement. »