Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/24

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COLETTE.

Oui, mon enfant. Après tant de promesses,
Tant de bouquets acceptés et rendus,
C’en est donc fait ? Je ne te plais donc plus ?

MATHURIN.

Non, mon enfant.

COLETTE.

Non, mon enfant.Et pourquoi, misérable ?

MATHURIN.

Mais je t’aimais ; je n’aime plus. Le diable
À t’épouser me poussa vivement ;
En sens contraire il me pousse à présent :
Il est le maître.

COLETTE.

Il est le maître. Eh ! va, va, ta Colette
N’est plus si sotte, et sa raison s’est faite.
Le diable est juste, et tu diras pourquoi
Tu prends les airs de te moquer de moi.
Pour avoir fait à Paris un voyage,
Te voilà donc petit-maître au village ?
Tu penses donc que le droit t’est acquis
D’être en amour fripon comme un marquis ?
C’est bien à toi d’avoir l’âme inconstante !
Toi, Mathurin, me quitter pour Acanthe !

MATHURIN.

Oui, mon enfant.

COLETTE.

Oui, mon enfant. Et quelle est la raison ?

MATHURIN.

C’est que je suis le maître en ma maison ;
Et pour quelqu’un de notre Picardie
Tu m’as paru un peu trop dégourdie :
Tu m’aurais fait trop d’amis, entre nous ;
Je n’en veux point, car je suis né jaloux.
Acanthe, enfin, aura la préférence :
La chose est faite : adieu ; prends patience.

COLETTE.

Adieu ! non pas, traître ! je te suivrai,
Et contre ton contrat je m’inscrirai.
Mon père était procureur ; ma famille
À du crédit, et j’en ai ; je suis fille,
Et monseigneur donne protection,