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264 ÉPITRE DÉDICATOIRE.

jardin de ce bonhomies les douces influences de la cour, mais il fit rendre à ce territoire les libertés et franchises dont il avait joui du temps de Cyrus ■ ; et de plus il favorisa une famille ndoptive du vieillard-. La nation surtout lui avait une très-grande obligation de ce qu’ayant le département des meurtres ^ il avait travaillé avec le même zèle et la même ardeur que Nalrisp, ministre de paix \ à donner à la Perse cette paixMant désirée, ce qui n’était jamais arrivé qu’à lui.

Ce satrape avait Tàme aussi grande que Giafar le Barmécide, et Abouleasem : car il est dit dans les annales de Babylone, recueillies par Mir-Kond, que lorsque l’argent manquait dans le trésor du roi, appelé V oreiller, Élochivis en donnait souvent du sien ; et qu’en une année il distribua ainsi dix mille dariques, que dom Galmet évalue à une pistole la pièce. Il payait quelquefois trois cents dariques ce qui ne valait pas trois aspres ; et Babylone craignait qu’il ne se ruinât en bienfaits.

Le grand satrape Nalrisp joignait aussi au goût le plus sûr et à l’esprit le plus naturel l’équité et la bienfaisance ; il faisait les délices de ses amis ; et son commerce était enchanteur : de sorte que les Babyloniens, tout malins qu’ils étaient, respectaient et aimaient ces deux satrapes ; ce qui était assez rare en Perse.

Il ne fallait pas les louer en face ; recalcitrabant undique tuii : c’était la coutume autrefois, mais c’était une mauvaise coutume, qui exposait l’encenseur et l’encensé aux méchantes langues.

Le bon vieillard fut assez heureux pour que ces deux illustres Babyloniens daignassent lire sa tragédie persane, intitulée les Scythes. Ils en furent assez contents. Ils dirent qu’avec le temps ce campagnard pourrait se former ; qu’il y avait dans sa rapsodie du naturel et de l’extraordinaire, et même de l’intérêt, et que pour peu qu’on corrigeât seulement trois cents vers à chaque

1. Le duc de Glioiseul avait accordé à Voltaire la franchise de ses terres ; voyez la lettre à M""^ du Deffant, du 3 décembre 1759.

2. Leduc et la duchesse de Choiseul avaient souscrit pour vingt exemplaires de l’édition de Corneille, donnée par Voltaire en 1761, au profit de M" Corneille que Voltaire avait reçue chez lui, mariée et dotée. C’était le duc de Choiseul qui avait obtenu du roi une souscription de deux cents exemplaires. (B.)

3. Le duc de Choiseul était ministre de la guerre.

4. Le duc de Praslin fut ministre des affaires étrangères de 1761 à avril 1766.

5. Paix de 1703. Voyez le Précis du siècle de Louis XV.

6. On lit dans Horace, livre H, satire i"^"^, vers 20 :

Recalcitrat undique tutus.