Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/35

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COLETTE.


Moi ? point du tout ; mon témoin c’est moi-même :
Est-ce qu’on prend des témoins quand on s’aime ?
Et puis, monsieur, pouvais-je deviner
Que Mathurin osât m’abandonner ?
Il me pariait d’amitié, de constance ;
Je l’écoutais, et c’était en présence
De mes moutons, dans son pré, dans le mien :
Ils ont tout vu, mais ils ne disent rien.

LE BAILLIF.


Non plus qu’eux tous je n’ai donc rien à dire.
Votre complainte en droit ne peut suffire ;
On ne produit ni témoins ni billets,
On ne vous a rien fait, rien écrit…

COLETTE.


On ne vous a rien fait, rien écrit… Mais
Un Mathurin aura donc l’insolence
Impunément d’abuser l’innocence ?

LE BAILLIF.


En abuser ! mais vraiment c’est un cas
Épouvantable, et vous n’en parliez pas !
Instrumentons… Laquelle nous remontre
Que Mathurin, en plus d’une rencontre,
Se prévalant de sa simplicité,
A méchamment contre icelle attenté ;
Laquelle insiste, et répète dommages,
Frais, intérêts, pour raison des outrages,
Contre les lois, faits par le suborneur,
Dit Matburin, à son présent honneur.

COLETTE.


Rayez cela ; je ne veux pas qu’on dise
Dans le pays une telle sottise.
Mon honneur est très-intact ; et, pour peu
Qu’on l’eût blessé, l’on aurait vu beau jeu.

LE BAILLIF.


Que prétendez-vous donc ?

COLETTE.


Que prétendez-vous donc ?Être vengée.

LE BAILLIF.


Pour se venger il faut être outragée,
Et par écrit coucher en mots exprès
Quels attentats encontre vous sont faits,