Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/36

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Articuler les lieux, les circonstances,
Quis, quid, ubi, les excès, insolences,
Énormités sur quoi l’on jugera.

COLETTE.


Écrivez donc tout ce qu’il vous plaira.

LE BAILLIF.


Ce n’est pas tout ; il faut savoir la suite
Que ces excès pourraient avoir produite.

COLETTE.


Comment, produite ? Eh ! rien ne produit rien.
Traître baillif, qu’entendez-vous ?

LE BAILLIF.


Traître baillif, qu’entendez-vous ?Fort bien[1].
Laquelle fille a dans ses procédures
Perdu le sens, et nous dit des injures ;
Et n’apportant nulle preuve du fait,
L’empêchement est nul, de nul effet.

(Il se lève.)


Depuis une heure en vain je vous écoute :
Vous n’avez rien prouvé, je vous déboute.

COLETTE.


Me débouter, moi ?

LE BAILLIF.


Me débouter, moi ? Vous.


COLETTE.


Me débouter, moi ? Vous. Maudit baillif !
Je suis déboutée ?

LE BAILLIF.


Je suis déboutée ?Oui ; quand le plaintif
Ne peut donner des raisons qui convainquent,
On le déboute, et les adverses vainquent.
Sur Mathurin n’ayant point action,
Nous procédons à la conclusion.

COLETTE.


Non, non, baillif ; vous aurez beau conclure.
Instrumenter et signer, je vous jure

  1. Dans la première esquisse le bailli demandait plus nettement à Colette si elle était grosse. « J’ai trouvé, moi qui suis très-pudibond, écrivait Voltaire, que les jeunes demoiselles que leurs prudentes mères mènent à la comédie pourraient rougir… Je prierai mon Dijonnais d’adoucir l’interrogatoire. » Mais il disait aussi : « Je voudrais qu’il y eût un peu plus de ces honnêtes libertés que le sujet comporte, et que les dames aiment beaucoup, quoi qu’elles en disent. » (G. A.)