Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/525

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Des prêtres de Pluton la troupe intolérante
Par un cruel arrêt vous condamne à périr ;
Un soldat vous absout, et veut vous secourir.
Mais que puis-je contre eux ? Le peuple les révère,
L’empereur les soutient ; leur ordre sanguinaire
A mes yeux, malgré moi, peut être exécuté.

ARZAME

Mon cœur est plus sensible à votre humanité
Qu’il n’est glacé de crainte à l’aspect du supplice.

IRADAN

Vous pourriez désarmer leur barbare injustice,
Abjurer votre culte, implorer l’empereur ;
J’ose vous en prier.

ARZAME

Je ne le puis, seigneur.

IRADAN

Vous me faites frémir, et j’ai peine à comprendre
Tant d’obstination dans un âge si tendre ;
Pour des préjugés vains aux nôtres opposés
Vous prodiguez vos jours à peine commencés.

ARZAME

Hélas ! Pour adorer le Dieu de mes ancêtres
Il me faut donc mourir par la main de vos prêtres !
Il me faut expirer par un supplice affreux,
Pour n’avoir pas appris l’art de penser comme eux !
Pardonnez cette plainte, elle est trop excusable ;
Je n’en saurai pas moins d’un front inaltérable
Supporter les tourments qu’on va me préparer,
Et chérir votre main qui veut m’en délivrer.

IRADAN

Ainsi vous surmontez vos mortelles alarmes,
Vous, si jeune et si faible ! et je verse des larmes !
Je pleure, et d’un œil sec vous voyez le trépas !
Non, malheureuse enfant, vous ne périrez pas :
Je veux, malgré vous-même, obtenir votre grâce ;
De vos persécuteurs je braverai l’audace.
Laissez-moi seulement parler à vos parents :
Qui sont-ils ?

ARZAME

Des mortels inconnus aux tyrans,
Sans dignités, sans biens ; de leurs mains innocentes
Ils cultivaient en paix des campagnes riantes,