Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ses fonctions, ses droits, je voulais tout quitter :
On m’en prive, et l’affront ne se peut supporter.

CÉSÈNE

Ce n’est point un affront ; ces pertes sont communes,
Préparons-nous, mon frère, à d’autres infortunes :
Notre hymen malheureux, formé chez les Persans,
Est déclaré coupable : on ôte à nos enfants
Les droits de la nature et ceux de la patrie.

LE JEUNE ARZÉMON

Je les ai tous perdus quand cette main impie,
Par la rage égarée, et surtout par l’amour,
A déchiré les flancs à qui je dois le jour ;
Mais il me reste au moins le droit de la vengeance,
On ne peut me l’ôter.

ARZAME

Celui de la naissance
Est plus sacré pour moi que les droits des Romains ;
Des parents généreux sont mes seuls souverains.

CÉSÈNE, l’embrassant.

Ah ! Ma fille, mes pleurs arrosent ton visage ;
Fille digne de moi, conserve ton courage.

ARZAME

Nous en avons besoin.

CÉSÈNE

Nos lâches oppresseurs
Dédaignent ma colère, insultent à nos pleurs,
Demandent notre sang.

ARZAME

J’en suis la cause unique ;
J’étais le seul objet qu’un sacerdoce inique
Voulait sur leurs autels immoler aujourd’hui,
Pour n’avoir pu connaître un même dieu que lui.
L’empereur serait-il assez peu magnanime
Pour n’être pas content d’une seule victime ?
Du sang de ses sujets veut il donc s’abreuver ?
Le dieu qui sur ce trône a voulu l’élever
Ne l’a-t-il fait si grand que pour ne rien connaître,
Pour juger au hasard en despotique maître ;
Pour laisser opprimer ces généreux guerriers,
Nos meilleurs citoyens, ses meilleurs officiers ?
Sur quoi ? sur un arrêt des ministres d’un temple ;
Eux qui de la pitié devaient donner l’exemple,