Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/570

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Eux qui n’ont jamais du pénétrer chez les rois
Que pour y tempérer la dureté des lois ;
Eux qui, loin de frapper l’innocent misérable,
Devaient intercéder, prier pour le coupable.
Que fait votre César, invisible aux humains ?
De quoi lui sert un sceptre oisif entre ses mains ?
Est-il, comme vos dieux, indifférent, tranquille,
Des maux du monde entier spectateur inutile ?

CÉSÈNE

L’empereur jusqu’ici ne s’est point expliqué :
On dit qu’à d’autres soins en secret appliqué,
Il laisse agir la loi.

IRADAN

Loi vaine et chimérique !
Loi favorable aux grands, et pour nous tyrannique !

CÉSÈNE

Je n’ai qu’une ressource, et je vais la tenter :
À César, malgré lui, je cours me présenter ;
Je lui crierai justice ; et si les pleurs d’un père
Ne peuvent adoucir ce despote sévère,
S’il détourne de moi des yeux indifférents,
S’il garde un froid silence, ordinaire aux tyrans,
Je me perce à sa vue : il frémira peut-être ;
Il verra les effets du cœur d’un mauvais maître,
Et, par mes derniers mots qui pourront l’étonner,
Je lui dirai : Barbare, apprends à gouverner.

IRADAN

Vous n’irez point sans moi.

CÉSÈNE

Quelle erreur vous entraîne ?
Votre corps affaibli se soutient avec peine,
Votre sang coule encor… demeurez, et vivez ;
Vivez, vengez ma mort un jour, si vous pouvez.
Viens, Arzémon.

LE JEUNE ARZÉMON

J’y vole.

ARZAME

Arrêtez !… Ô mon père !
Cher frère ! Cher époux !… Ô ciel ! Que vont-ils faire ?